lundi 28 novembre 2011

Cusine moderniste: la Gélatine

La gélatine est probablement le plus ancien gélifiants connu en cuisine. Elle n'existe pas en temps que telle dans la nature et est dévirée de la cuisson du collagène, la protéine principale des tissus connectifs des animaux (génélalement la partie blanche, fibreuse et dure). Le nom vient du latin 'Gelata', qui définit sa caractéristique principale, à savoir de faire un gel avec de l'eau.



Il existe plusieurs qualités de gélatine, en rapport avec la dureté relative du gel formé pour une quantité donnée de gélatine sèche, appelé le Bloom. Cette mesure a été déveeloppée en 1925 par O.T. Bloom et consiste à mesurer le poids en grammes nécessaire pour enfoncer de 4 mm la surface d'un cylindre de gel   fait de 7,5g de gélatine sèche avec 105 g d'eau avec un plongeur de 12,7 cm de diamètre, et tout cela à température de 10°C.

La gélatine étant  considérée comme aliment et non pas comme additif,  il n'y a aucune aucune restriction dans son utilisation. Cependant durant la crise de la 'vache folle' l'importation de gélatine d'origine britannique  fut restreinte, avec comme conséquence  la popularization d'autres agents gélifiants tels que les carragenes, xanthane, agar,... Cependant en 2003 le 'Scientific Steering Commitee' de l'Union Européenne a spécifié que le risquede contamination par la gélatine était quasi nul et en 2006 l'European Food Safety Authority a confirmé ce fait.


Utilisation
  • Gelifiant
  • Emulsifiant léger
  • Epaissisant
  • Stabilisant de mousses
  • Excellent substrat pour la culture de bactéries, donc très suceptible à la contamination!!
  • Photo: négatifs et dans le temps papiers



Propriétés
  • Forme des gels thermo réversibles, qui gélifieront vers 15°c  et fondront vers  35°
  • Forme des gels résistant  à l'alcool jusque 40% d'alcool, cependant une plus grande quantité de gélatine doit être utilisée en présence d’alcool.
  • Un gel de gélatine a un pH entre 5 et 7, et  résiste à l'acidité mais en dessous de pH 4 le  gel devient moins ferme
  • Le sel fait diminuer la gélification alors que le sucre la fait augmenter.
  • La gélatine forme souvent des grumeaux dans les préparations au lait chaud.
  • Si un gel de gélatine est surgelé, le gel fera de la synérèse, il va perdre son eau et casser,  à une  concentration de 0.5% le mélange formera de petits cristaux de glace ce qui permet d'(avoir une texture comme la crème glacée.
  • La gélatine est une protéine, et peut être décomposée par des enzymes présents dans certains fruits tels qu'ananas et kiwis (Broméliane), papaye (papaïne), pamplemousse. 

Proportions

Le 'bloom' de la gélatine est rarement indiqué sur les paquets, on peut assumer un bloom moyen de 200. Beaucoup de recettes indiquent la quantité de gélatine à utiliser par nombre de feuilles, cependant la taille et le poids des feuilles varie entre fabricants. La feuille de référence est généralement la feuille de gélatine 'professionnelle' de 7 x 25 cm qui pèse approximativement 4 g, celles plus petites vendues en grandes surfaces font a peu près la moitié. Regardez l'emballage ou pesez les feuilles pour être certain. 
En ce qui concerne la gelatine en poudre l'utilisation est équivalente en poids, mais elle risque de s'hydrater différemment et peut former des grumeaux. 


Laisser toujours  gonfler les feuilles dans de l’eau froide, puis ajouter à votre mélange  chaud à 33°C ou plus, en général, à feu moyen. Le retour à une température de moins de 30°C provoquera la gélification.
Evitez d'utiliser la gélatine à haute température. Bouillir une préparation contenant la gélatine fera perdre une partie de son pouvoir gélifiant.


Uniquement pour des gels froids: (il n'est pas possible de tenir un gel de gélatine pure au delà de 30°c)

Gel très tendre: 0.75% gélatine
Gel tendre: 0.85% gélatine
Gel ferme : 1%
Gel très ferme: 1.5%

0.25% creme glacée, sorbets
0.45% à 0.8% espumas (préparations froides) (0.6 pour fruits acides ou contenant des protéases)
0.8% avec de la crème

Bavarois: 1.3 à 1.6%
Sphérification à l'huile froide : 1.8%


Filtrage à la gélatine
Un gel de gélatine surgelé va partiellement se défaire et perdre une partie de liquide, via un phénomène appelé synérèse. Il est possible d'utiliser ce phénomène pour créer des consommés incroyablement clairs.
-préparer votre jus/bouillon / base pour le consommer
-filtrer au chinois, et ajouter 0.5% de gélatine (5g pour 1 litre).
-surgeler l'appareil
-laisser le bloc dégeler au frigo sur une étamine dans un récipient. La partie liquide s'écoulera mais les matières grasses et protéines resteront emprisonnées dans la gélatine



Quelques recettes:

Gin Tonic gélifié
2.5 g gelatine (3.3%)
25ml gin
50 ml tonic

Long Island Iced Tea
Hydrater 6,75 g de gelatine (2 grandes feuilles)
Ajouter
120g de cola
60g de jus de citron vert
40g de gin
40g de rhum
40g de tequila
40g de triple sec (ou cointreau)
40g de vodka
Combiner le tout, bien mélanger et réfrigérer 5 heures


Gelée de fruits rouges
75 ml eau
140g de sucre
35 g de jus de citron
1 anis étoilé
7 g de gélatine
500 g de fruits rouges surgelés
55ml d'alcool type crème de pèche, alcool de framboise,...



Cuisine moderniste: Ingrédients et additifs traditionnels et modernes

Je me suis posé la question. Si on découvrait aujourd'hui lé café et le tabac, ces deux produits - d'origine naturelle- seraient ils autorisés à la vente, ou seraient-ils considérés comme substances dangereuses et interdites à la vente?

Historiquement la cuisine a évolué de manière empirique et par l'expérience, les succès et les erreurs des diverst cuistots, mais la science a permis de comprendre la composition et les propriétés des divers ingrédients, ainsi que la technique utilisée.

La cuisine est fondamentalement la préparation et la transformation d'ingrédients de base, et l'ajout d'additifs pour améliorer le gout, la texture,... du résultat final. Par additifs je considère tout ce qui est ajouté à un ingrédient de base tel que viandes, légumes, racines, baies et haricots pour contribuer à un résultat final.

J'ai commencé initialement par décrire différentes substances ainsi que leur utilisation en cuisine moderniste, cependant je me rends compte que je vais peut être trop vite en besogne. Il faut d'abord comprendre les différents types de préparations avant de mettre en place les additifs.

Prenons un morceau de viande et cuisons le sur un feu. Cela s'appelle entre autre un barbecue. La viande après cuisson est tout à fait comestible. Ajoutons un peu de chlorure de sodium - pardon du sel de table - et le gout devient plus intense.

Prenons une autre pièce de viande, par exemple une jambe de porc, que l'on va laisser dans une boite recouverte de sel et de salpètre et laissons reposer quelques semaines (ou mois). Nous obtenons un jambon de type 'iberico', dont l'appellation est controlée et qui souvent a un label 'bio'.

La peau et les os de l'animal peuvent être bouillis quelques heures, et on récolte un liquide qui gélifiera à température ambiante, grâce à la gélatine resultant de l'hydrolyse du collagène.

Bon, assez de termes techniques, les additifs alimentaires existent depuis des millénaires, certains sont tout à fait naturels, d'autres artificiels, certains sont sans aucun danger, d'autres sont à proscrire formellement, par exemple colorants artificiels. L'approche moderniste est de sélectionner les meilleurs ingrédients possibles, et de les préparer selon les techniques les plus appropriées, et étudiées rigoureusement.

On préférera pour la cuisson des viandes et poissons une approche 'a juste température', c'est à dire que la pièce sera cuite à une température optimale à coeur pour obtenir la meilleure texture et gout possible, ce qui peut entre autre être réalisé avec un bain marie controlant la température avec précision.

Si on observe les autres éléments d'un plat préparé, on constatera que physiquement ils rentreront dans les grandes catégories suivantes:


  • émulsions: la plupart des sauces
  • gels: pas seulement la gélatine, mais également les crèmes, tels que crème anglaise
  • mousses: chantilly, soufflés
  • verres: tuiles et décorations au sucre. Mais aussi les spaghettis secs!
Pour réaliser ces préparations nous utiliserons les types d'additifs suivants

Emulsifiants:  Un émulsifiant est une substance qui permet le mélange et l'homogénisation de substances qui ne se mélange pas naturellement, tels que l'eau et l'huile. Une des raisons pour lesquelles ces substances ne se mélangent pas est du à leur faculté de s'ioniser. Par exemple, une substance soluble dans l'eau est souvent ionisable, tandis qu'une substance organique saturée, par exemple l'octane du carburant super.  Par contre certaines substances ont les deux propriétés: une partie de la molécule a des affinités pour l'eau, et l'autre partie a des affinités pour les substances insolubles dans l'eau, l'exemple le plus connu est notre bon vieux savon, mais son utilité en cuisines est limité au lavage des mains.

Les émulsifiants fonctionnent via plusieurs phénomènes physiques, le plus important étant d'influencer les forces présentes entre les surfaces des liquides.En effet entre deux liquides incompatibles vont se regrouper en parties distinctes, et la surface de contact entre les deux liquides va être sujette a une force appelée tension de surface. C'est cette force qui fait par exemple qui l'eau forme des gouttes, que du poivre blanc reste à la surface d'une soucoupe d'eau ou que l'eau savonneuse forme une mousse faite de bulles avec de l'air.

Toute substance qui modifiera cette tension de surface est appelé surfactant, tensio-actif ou émulsifiant selon son utilisation.

L'émulsifiant culinaire traditionnel est le jaune d'oeuf, mais il y a aussi la moutarde et l'ail. La substance émulsifiante active dans le jaune d'oeuf est la lécithine, que l'on  retrouve également dans le soja. Le citrate de sodium est également utilisé comme émulsifiant dans la préparation de fromages style 'Kraft'. Il y a d'autres types d'émulsifiants dérivés des sucres tels que Glice, Gluco.

Une mousse est une autre forme d'émulsion. Plutôt que d'avoir des gouttes d'eau dispersées dans de l'huile ou vice versa, on aura des bulles de gaz tels que de l'air, dioxide de carbone ou hémioxide d'azote dans le cas des siphons, emprisonnées par une fine pellicule de liquide. Pour garder le mélange au syphon stable, on y incorpore souvent de la gélatine.

La mousse la plus connue en cuisine est simplment le blanc d'oeuf battu. Battre les blancs au fouet incorpore des bulles d'air, et on obtient une emulsion / mousse d'air et de blancs d'oeufs.

Le terme 'lécithine' a été défini en 1847 par un chimiste Francais ,  du nom de Theodore Gobley, qui a isolé la lécithine du jaune d'oeuf. Au fait, lekithos en ancien grec se traduit par 'jaune d'oeuf'. De nos jours on extrait la lécithine des grains de soja, et cette substance est utilisée universellement comme émulsifiant.



Epaississants: de manière à donner plus de corps a un plat, traditionellement on utilise de l'amidon sous toutes ses formes (farine, maizena,...) ou du jaune d'oeuf. Mais on peut également utiliser toute un panoplie de gommes d'origine végétale, tels que l'agar, le xanthane afin d'obtenir des sauces plus onctueuses sans changer le gout et la texture.

Gélifiants:
Ces substances, à température normale vont emprisonner un liquide en formant un filet tri dimensionnel de protéines (gelatine, blanc d'oeuf) ou de polysaccharides (comme l'amidon).
Il y a deux grands types de gels: thermo reversible et thermo irreversibles. Un gel reversible va fondre au dela d'une certaine température, et re-gélifiera lorsque la température redescend en dessous d'un certain point. Un gel irreversible ne changera plus, tout comme le beton qui est initialement liquide et ne change plus lorsqu'il a pris.
Les gélifiants les plus courants sont la gélatine (origine animale), la pectine (venant des fruits) mais aussi toute une panoplie de gommes végétales tels que gomme arabique, Agar, Guar, caroube, alginates, carraghenane, methylcellulose

Exhausteurs de gout: le sel de table en est l'exemple le plus courant, l'autre exhausteur le plus courant est le glutamate de sodium (MSG), un acide aminé originellement extraitde l'algue japonaise Kombu.

Edulcorants : tout ce qui donne un gout sucré, donc les différents sucres, l'aspartame, la saccharine et plus récemment le stevia.  Une histoire intéressante est que les Romains faisaient bouillir du jus de raisin dans des récipients en  plomb, qui forme de l'acétate de plomb qui a un goût sucré, mais est toxique ... 







Acidifiants: Vinaigre et jus de citron, mais aussi l'acide citrique dérivé du jus de citron, l'acide ascorbique (vitamine C), le tartrate, l'acide malique, l'acide oxalique dont la source naturelle est l'oseille, mais qui est dangereux a partir d'une certaine dose.


Herbes, épices et aromes: La liste est longue et quasi tout ce qui donne un gout intéressant dans les diverses herbes et épices est un fait un véritable arsenal de guerre chimique. La plupart des plantes, de par leur nature immobiles, ont développé des facultés de féfense contre les autres créatures. Par exemple, la substance active principale du plant de tabac est la nicotine, qui est entre autres un puissant insecticide.

Adsorbants: matières dont la propriété prinpipale est d'absorber un liquide. Le grand classique est la chapelure, qui absorbera une partie de l'eau d'une préparation. La maltodextrine a également des propriétés intéressantes car elle adsorbe l'huile, ce qui permet de faire de la poudre d'huile d'olive, de la poudre de nutella... La maltodextrine est produite à partir d'amidon.

Enzymes: Les enzymes sont des protéines, qui agissent comme une clef à molette, et décomposent une substance complexe en plus petites molécules. Contrairement à une réaction chimique normale, une enzyme n'est pas consommée lors de la réaction, et reste disponible pour continuer son travail. Les quantités nécessaires d'enzymes sont minuscules, par exemple lors du brassage de la  bière, l'enzyme amylase présente dans le germe du grain d'orge en infime quantité est capable de transformer l'amidon des grains en sucre, qui sera ensuite fermenté par des levures. Votre salive contient de l'amylase, qui est utile pour la digestion.
Les protéases, enzymes destructeurs de protéines sont naturellement présents dans la viande, mais également dans certains fruits: L'ananas frais et le kiwi contiennent de la broméliane,  la papaye de la papaine, la concentration d'enzymes dans le jus d'ananas est telle qu'un filet de poulet mariné dans du jus d'ananas frais se liquéfiera au bout d'un certain temps. Et je vous défie de garder un morceau d'ananas frais sous votre lèvre pendant plus de cinq minutes.
Finalement, tous les enzymes de servent pas à décomposer des amidons ou des protéines. La transglutaminase, vendue sous le nom d'Activa, peut servir de 'colle à viande', deux morceaux de viande peuvent être soudés par l'action de cette enzyme. Qui est naturellement présente dans votre corps et sert entre autre à coaguler le sang et réparer certaines blessures.

Une des applications de la transglutaminase


La frontière est floue entre les additifs traditionels et modernes, car les phénomènes mis en jeu sont identiques. Alors avec un peu de science et de créativité, je pense que l'on peut s'amuser.














vendredi 25 novembre 2011

Cuisine moderniste: les Alginates

Les alginates sont des polysaccharides d'orgine végétale, et comme le nom le suggère, vient des algues rouges, specifiquement des algues Macrocystis pyrifera et Ascophyllum nodosum



Il s'agit d'un polysaccharide anionique, utilisé le plus souvent sous forme de sel de sodium car l'acide alginique et l'aginate calcium sont insolubes dans l'eau, alors que l'alginate de sodium est soluble (avec cependant un peu de difficultés)

Les sels d'aginates lorsqu'ils sont mis en présence d'ions positifs tels que calcium ploymerisent et forment un gel. Il est donc recommandé d'utiliser de l'eau douce pour dissoudre l'alginate, en effet l'eau dure contient une quantité importante de calcium, plus connu sous le nom de calcaire.
L'alginate de sodium précipite à un ph < 3.5, ce qui rend  impossible la gélification d'une solution fortement acide.  Il est également instable en milieu alkalin au pH > 10.

Une solution d'alginates reste stable à la surgélation et décongelation

Synonymes
Algin (texturas)
E400 acide alginic
E401 alginate de sodium
E402 alginate de potassium


Synergies
Utilisé seul il épaissit et stabilise un liquide
Gélifie en présence d'ions de calcium
La gomme xanthane permet la formation de plus grosses gouttes dans les technique de sphérification.


Utilisation
L'alginate est une gomme sans gout.
L'alginate est utilisé depuis 1934 entre autres comme stabilisant crème glacée
Il est également utilisé comme 'coupe faim' dans certains produits de régimeIl est utilisé dans certains sirops contre le brulant et l'indigestion (gaviscon)

L'utilisation la plus spectaculaire de l'alginate est la création de petites billes de liquide encapsulées par la technique de sphérification. L'alginate formera un gel thermoirréversible au contact du calcium.
La sphérification la plus stupéfiante est que certains faussaires chinois sont apparament parvenus à réaliser des faux oeufs avec de l'alginate, regarder ici:  http://www.chinahush.com/2009/04/24/how-to-identify-fake-chicken-eggs/

Pour la sphérification:Préparer une solution de 0.5 à 2% d'alginate dans un liquide pas trop acide, et contenant peu de calcium. utiliser de préférence de l'eau de source faible en calcium.
Le bain de calcium sera fait de 0.5 à 2% de chlorure de calcium, dans de l'eau froide.

Trucs et astuces:

Utiliser un mixeur plongeant pour bien dissoudre l'alginate. Laisser reposer une préparation d'alginate quelques heures pour permettre l'évacuation de bulles d'air, ou passer le mélange au tamis.
.

Si l'acidité de votre préparation est trop importante, il est possible de l'ajuster avec du citrate de sodium.

Exemples de pH (valeurs approximatives):
Jus de citron    2.0 à 2.6
Jus d'orange    3.0 à 4.0
Jus de tomate: 4.1 à 4.6
Vin rouge:       3.5
Vinaigre:          2.4 à 3.4

Correction au  citrate pour obtenir un pH de 5:

pH de départ:  Grammes de citrate par litre:
2                      2.7
2.5                   0.85
3                      0.27
3.5                   0.09

Le citrate de sodium est égalment un 'séquestrant', qui va permettre de capturer les ions calcium et les empécher de réagir avec l'alginate.

Pour obtenir des sphères fluorescentes à la lumière UV, faites le bain de calcium avec du tonic

Pour plus d'informations voir la page sur les techniques de sphérification.




lundi 21 novembre 2011

Cuisine moderniste: Agar Agar, ou gélatine végétale

L'agar agar est une substance gélifiante naturelel provenant d'une famille d'algues rouges. Il est utilisé depuis longtemps en cuisine asiatique, en effet le nom est d'origine malaisienne, signifiant 'gelée'. L'agar est utilisé depuis plusieurs siècles en cuisine asiatique pour préparer entre autre des desserts. Si vous regardez la composition de desserts allégés style crème vanile, vous verrez probablement qu'il y a de l'agar comme gélifiant.


Un des desserts classiques de la cuisine japonaise est le 'Yokan' qui est un cube de gelée d'agar parfumé avec d'autres ingrédients, tels que thé vert, sucre,....

Comme beaucoup d'autres ingérdients 'modernistes' l'agar est également un  polysaccharide.

L'agar a des propriétés similaires à la gélatine traditionelle et n'a aucun gout, et les gels d'agar ont comme avantages de mieux supporter la chaleur que la gélatine. En fait c'est cette résistance à la chaleur supérieure à la gélatine qui fait que l'in utilise de l'agar comme milieu de culture dans les boites de petri. Il est possible de cultiver des bactéries à une température proche de celle du corps humain avec de l'agar (32°), alors qu'un gel à base de gélatine fondrait à cette température.

Synonymes:
E 406
Agar


L'agar forme un gel réversible, c'est à dire que si on chauffe la préparation elle se liquéfie, et en refroidissant se  gélifie.
Contrairement à la gomme xanthane, une préparation doit  'cuire'  2 minutes à minimum 90°c pour avoir ses propriétés optimales.
Les préparations à  base d'agar sont peu stable en milieu acide (pH <4), et n'ont pas besoin d'ions calcium /potassium pour gélifier comme dans le cas  des alginates et carragenan.

Comme avec ls fibres, l'agar n'est pas décomposé par  le système digestif, et n'a aucune toxicité. Son seul effet est d'être légèrement laxatif à forte concentration.

L'agar peut faire de la synerèse à faible concentration (perte de liquide )
En surgelant un gel il s'effondrera et perd son liquide.  Le dégel ne reformera pas le gel, par contre en refaisant bouilir le mélange, le gel se reformera au refroidissement

Synergies
Le gel peut être fortifié par l'addition de gomme de caroube à 0.1% de la quantité d'agar
La gomme de caroube limitera la synérèse d'un gel d'agar

Utilisation

Gelifiant, gels résistants à la chaleur
Stabilisant dans les crèmes glacées
L'agar est très utilisé dans les produits allégés, il sert à donner la texture qui viendrait ordinairement des oeufs
Confitures plus fermes qu'avec de la pectine
Il est insoluble dans l'huile et l'alcool, aura besoin d'eau pour gelifier.
2g d'agar peut remplacer 6g de gelatine, contrairement a la gelatine n'a aucun gout

L'agar permet la formation d'un gel solide à partir de concentrations de 1% en poids, et il est possible de faire une gelée avec des concentrations aussi faibles que 0.1% (le reste du liquide etant de l'eau)

Gel faible: 0,1%   1g agar 1000ml eau
Gel ferme: 1%     10g 1000ml gel ferme

L'agar gélifie entre 30 et 40°.



Patisserie: comme le gel est résistant à la température il peut être utilisé pour stabiliser les farces
Glacage au sucre: L'agar permet d'éviter le craquellement du à la cristallisation du sucre

Confiserie et friandises: entre 0.3% et 1.8%, combiné avec du cure, de la pectine et de l'amidon

Peut également gélifier du lait et  de la crème


Patisserie :0.8%
Confiserie et garnitures: 2%
Confiserie molle 1.2%
Autres: 0.25%


Cuisine moderniste:

Spaghetti d'agar




Potage de tomate reconstruit:


Mousse siphon très légères: de 0.2% à 1.2% d'agar, par exemple pour faire de la chantilly chaude

Espuma d'abricot:
300 g jus d'abricot
50 g sucre
1 g agar agar.


Sphérification à huile froide
Mettre au frigo une nuit 500ml d'huile neutre (pepins de raisis)
Faire une préparation de 1,5g d'agar pour 100 ml de liquide(jus de melon par exemple)
chauffer 2 minutes
laisser refroidir la préparation jusque 50°c, idéalement la laisser au bain marie
Avec une seringue ou une pipette faites des gouttes de la préparation dans l'huile froide.
Les gouttes se solidifieront au contact de l'eau froide
Recupérer les billes et les rincer à leau froide.

Yokan

3 g agar
180 ml eau
60 g sucre
130g de pate d'azuki
Mélanger, chauffer à 85°c 2 minutes, verser dans un moule, laisser refroidir
Démouler et couper la préparation en cubes

Feuilles de zestes d'orange
Zester 4 oranges,  éviter de prendre la partie blanche du zeste.
Presser les oranges pour obtenir 200ml de jus
Ajouter 2 g d'agar, chauffer 2 min à 80°c

Laisser refroidir vers 50°c puis ajouter les zestes d'orange, mélanger
Verser la préparation dans un grand plat pour obtenir une épaisseur de 3-4 mm
Laisser refroidir et gélifier au frigo
Démouler et couper en rubans.
Servir comme garniture sur on sorbet d'agrumes


Sources

Thickening and Gelling Agents for Food, Alan Imeson
Food Stabilisers, Thickeners and Gelling Agents, Alan Imeson
Modernist cuisine, Nathan Myrold
On food and cooking, Harold Mc Gee
Hydrocolloids in Food Processing, Thomas R. Laaman
Food hydrocolloids: structures, properties, and functions, Katsuyoshi Nishinari, Etsushiro Doi
Hydrocolloid applications: gum technology in the food and other industries, A. Nussinovitch

Cuisine Moderniste: La gomme Xanthane

La gomme de Xanthane est une substance surprenante. Certains l'appellent la meilleure découverte culinaire depuis la découverte des levures. Elle est produite par la fermentation du glucose par la  bactérie "Xanthomonas campestris", qui est naturellement présente dans notre environnement et est innofensive pour les humains. Chimiquement, c'est un  polysaccharide comme l'amidon, mais avec une chaine de saccharides plus courte. La pectine, présente dans les peaux des fruits et servant naturellement à gelifier les confitures est une susbtance fort proche.



Les synonymes utilisés sont:

  •  XG (xanthan gum)
  •  Xantana comme sur la photo
  • Corn Sugar Gum, 
  • CAS No: 11138-66-2
  • E415











Ses propriétés principales sont:

  • épaississant
  • stabilizant
  • emulsifiant
  • aide la formation de mousses
  • retarde la formation de cristaux de glace


Sa propriété principale est d'augmenter fortement la viscosité des liquides, sans devoir être préalablement chauffée, et ce a partir de concentrations aussi faibles que 1% Mais ce  n'est pas tout,  car la viscosité du xanthane est variable: en mélangeant le liquide, la viscosité diminue, et revient lorsque le liquide repose quelque temps. (cette propriété est connue sous le nom de pseudo-plasticité, qui se retrouve dans d'autres liquides épais tels que Ketchup, lave, certaines peintures,..)

Une autre propriété intéressante est que le xanthane réduit la synérèse, c'est à dire la séparation de l'eau dans  un gel, comme par exemple la séparation du liquide dans un coulis de tomates.

Le xanthane se dissout facilement à froid dans la plupart des liquides, reste stable en milieu acide, mais si il est chauffé il peut perdre sa texture.

Ces propriétés sont utilisées depuis des années par l'industrie alimentaire, notamment dans la confection de vinaigrettes, et comme stabilisant dans les crèmes glacées car elle va retarder la formation de cristaux de glace. Dans l'industrie laitiere, elle est utilisée dans les produits allégés, car elle donne une onctuosité similaire à la matière grasse du lait. 


Ses propriétés gélifiantes augmentent en combinaison avec la gomme de guar et la gomme de locuste, en effet en combinant ces substances on obntient un gel plus ferme qu'en utilisant ces substances séparément. Il n'est pas possible de créer un gel ferme agréable au gout avec seulement du xanthane.

Contrairement à beaucoup d'autres gélifiants, le xanthane est relativement peu sensible à l'acidité, sa consistence reste constante. La résistance à la température est similaire, la texture reste quasi identique entre 20°c et 70°c. Au dela de 70° le mélange peut deveinir plus fluide, mais retrouve ses propriétés en refroidissant. Et contrairement à d'autres agents gélifiants tels que les alginates, le xanthane est peu sensible au sel et d'autres ions, et résiste également à de fortes concentrations en alcool


En cuisine moderniste, l'attrait du xanthane est de permettre de former des sauces onctueuses et légères, comme avec de la crème mais sans la lourdeur. Dans les smoothies par exemple elle permet d'avoir une bonne onctuosité. Une petite quantité mélangée dans un jus de cuisson permettra d'épaissir et de rendre une sauce plus onctueuse sans ajouter de glucides.


L'épaissisant le plus utilisé en cuisine traditionelle est l'amidon sous diveres formes (farine de mais, roux, pommes de terres,...) mais il faut utiliser proportionellement de plus grandes quantités  qu'avec le xanthane, ce qui altère le gout du plat, et donne un resultat qui est souvent légèrement opaque. Le xanthane n'a pas de gout, et donne des résultats ou la couleur n'est pas affectée.


 Le xanthane peut également être utile pour les personnes allegiques au gluten. Il  peut remplacer la protéine du gluten dans  une farine sans gluten, et permettre de faire une patisserie similaire à celles faites avec de la farine de froment. Les proportions sont de 1/2 à 1 cuiller à café par tasse de farine.


Et pour les personnes suivant des préceptes religieux interdisant la consommation de porc, il est bon de savoir qu'une grande partie de la gélatine est produite à partie de peau de porc, et le xanthane peut remplacer la gélatine de manière Kosher, Hallal et végétarienne dans des préparations telles que bavarois.

Synergies
Gomme de Guar
Gomme de Caroube
Gélatine: un peu de xanthane fera une gelée plus ferme.

Utilisation:



Comme substitut de gélatine:
Substituer maximum la moitié en poids de gélatine sèche. Par exemple si votre recette requiert 6g de gélatine, utiliser 2-3 g de xanthane. A expérimenter car toutes les gélatines ne sont pas égales, de même que les différentes qualités de xanthane. Attention par contre que le xanthane utilisé seul ne gélifie pas.



Comme épaissisant: 
Utiliser de 0,05% à 0,8% en poids pour épaissir une sauce
Sauce très liquide: 0.25%
Sauce épaisse: de 0.5% à 0.7%

Mousses: 0.08% à 0.85%, éventuellement avec de la lécithine


Par exemple pour épaissir un fond de crustacés

  • 150g de fond
  • 0.8g xanthane
  • Chauffer et mélanger pour dissoudre



Comme stabilisant: 

  Stabilisant crème glacée: 1/4 tsp par litre  (voir equivalence poids)


Dans une vinaigrette: 0.25% en présence d'huile, 0.5 % si pas d'huile


Exemple de recette de vinaigrette: 
  Huile : 560g
  Vinaigre 5% 280 g
  Eau 90 g
  Jus de citron 50g
  Sel 10g
  Epices 9.8 g  (estragon, poivre, origan....)
  XG: 0.2 g


  Mélanger les ingrédients secs, ajouter l'eau et bien mélanger
  Ajouter jus de citron et vinaigre
  Ajouter l'huile, mixer au mixeur plongeant
  Conserver au frigo


Pasta moderniste

Cette pate à nouilles aura une texture plus ferme à sec que la recette traditionelle (voir ici)
200 g farine italienne type 00
2 g  XG
5 g sel
18 g eau
114 g jaune d'oeuf
21 g huile d'olive



Ketchup moderniste
  350 g ketchup
  25 g sauce soja
  0.40 XG

Crème balsamique
100 ml vinaigre balsamique
10 g sucre
0.9g xanthane

Sources

Thickening and Gelling Agents for Food, Alan Imeson
Food Stabilisers, Thickeners and Gelling Agents, Alan Imeson
Modernist cuisine, Nathan Myrold
On food and cooking, Harold Mc Gee
Hydrocolloids in Food Processing, Thomas R. Laaman
Food hydrocolloids: structures, properties, and functions, Katsuyoshi Nishinari, Etsushiro Doi


Cuisine moderniste, cuisine expérimentale ou cuisine moléculaire

Je n'aime pas le mot 'cuisine moléculaire' car pour beaucoup de personnes il est associé à quelque chose de compliqué, d'industriel, qui fait peut-être peur. De fait, aux USA le terme de référence est désormais  'cuisine moderniste' ou 'cuisine expérimentale'.

On me demande souvent, avec mon éducation de chimiste, si je suis un grand fan de "cuisine moléculaire". Je réponds habituellement avec un sourire et demande ce que l'on veut dire par "moléculaire", car toute substance est par définition 'moléculaire', de l'eau que l'on boit à l'air que l'on respire.


Je commence habituellement ma réponse en parlant de la dénaturation des protéines, de la réaction de maillard, des propriétés des hydrocolloides et de la formation de gels et de mousses, de l'épaississement de sauces... Toutes les techniques de cuisine traditionelles se basent sur des phénomènes chimiques et physiques, et ont certaines limites, par exemple au dela de 85°c le chocolat est brulé et irrécupérable, la gélatine en présence d'enzymes contenus dans l'ananas ou le kiwi se décompose, etc... 


La cuisine, quelle qu'elle soit, est par définition basée sur la transformation chimique et physique des aliments, soit pour les rendres digestes (une pomme de terre crue est quasi imangeable), soit pour leur donner plus de gout, voire simplement enlever tout danger d'un aliment. Pensons au 'Fugu' japonais qui si il n'est pas préparé par un spécialiste peut se révéler mortel. 


La cuisine traditionelle à la Francaise commé définie originellement par Brillat-Savarin, Escoffier, etc... est  très conservatrice, et résistante au changement. La vague 'Nouvelle Cuisine' des années 70-80 a été source de bien des controverses, mais a finalement apporté son lot d'influences. Par exemple, on attribue à ce mouvement l'apparition du service à l'assiette, ou le plat sort de cuisine déja dressé sur une assiette. Auparavant,...  je vous invite à revoir le film de Louis de Funès 'Le grand restaurant', vous comprendrez.


Nicolas Kurti fut un des pionniers du sujet, et fut un des premiers scientifiques à faire une émission de télévision sur la science de la cuisine. Kurti est à l'origine un physicien ayant travaillé sur le projet Manhattan (bombe A) durant la seconde guerre mondiale, et fut également un passionné de cuisine.  Il a fortement influencé Herve This qui a défini son travail de recherche comme 'Gastronomie Moléculaire', qui est en gros de la recherche scientifique sur les phénomènes chimiques et physiques présents dans la cuisine. D'autre part, Harold Mc Gee, dans son ouvrage encyclopédique "On Food and Cooking" a jeté en 1984 les bases d'une évolution des techniques culinaires. Un des meilleurs chefs au monde, Heston Blumenthal s'est basé sur ce livre pour monter son restaurant, qui est toujours considéré comme un des meilleurs au monde.

Heston Blumenthal
 

Alors, qu'est-ce que la cuisine moderniste? En passant en revue toutes les techniques et recettes que j'ai pu consulter, je dirais que la meilleure définition est que c'est une serie de techniques permettant de réaliser de nouveaux plats à l'aide de techniques et d'additifs modernes, qui ne sont pas possibles avec les ingrédients et les techniques traditionelles. Pensez par exemple à une crème glacée ... chaude 

La notion d'additifs dérange, cependant ces additifs sont utilisés depuis des millénaires dans notre alimentation. Le sel (chlorure de sodium) et le salpêtre(nitrate de potassium) , par exemple sont des additifs utilisés depuis la nuit des temps pour conserver la viande. Un jambon cru est préparé en laissant 'sècher' la viande dans un coffre rempli d'un mélange de sel et de salpêtre.

La levure chimique (ou plutot la poudre à lever, qui est en grande partie du bicarbonate de sodium) permet de réaliser des patisseries autrment impossibles avec de la levure traditionelle. La pectine, présente naturellement dans les fruits permet la gélification des confitures.

Et que dire du chlorure de sodium alors, plus souvent appelé 'sel de table' ???
La cuisine moderniste n'est pas un nouveau truc à la mode, c'est le fruit d'une évolution de plusieurs siècles, de la compréhension des phénomènes physiques et chimiques dans la cuisine  travaillés et appliqués d'une manière moderne. 

Vers 1800 la révolution industrielle et l'ère Victoriene ont apporté leur lot de nouvelles techniques et ingrédients, qui font partie de notre alimentation quotidienne. Prenons par exemple les sodas, et le 'Tonic' qui furent inventés par des pharmaciens de l'époque (le tonic à l'origine servait de véhicule pour la quinine, un extrait d'écorce aux propriétés anti malariales, très utile dans les colonies anglaises). Le célèbre cola était à l'origine un syrop tonique, qui fut après dilué dans du soda.. La 'custard powder' (poudre à crème anglaise instantanée) fut inventée par Alfred Bird vers 1840 et est principalement constituée d'amidon, de sucre et d'un peu de curcuma pour la couleur. Le chewing gum est la résultante d'essais infructueux de transformation de la gomme de 'chicle' mexicaine en caoutchouc ... En fait la majorité des révolutions cuilinaires ont eu lieu entre 1850 et 1900.

L'industrie alimentaire utilise depuis des décennies ces techniques et ingrédients, mais le commun des mortels n'en est pas au courant.  Par exemple en rendant visite à un ami qui tient un magasin 'bio', je lui ai montré que certaines des spécialités qu'il vend contient les mêmes ingrédients qu'utilisés en cuisine moderniste.

Par l'utilisation de ces nouvelles techniques et ingrédients, il est dès lors possible d'alller beaucoup plus loin, et de créer de nouvelles recettes une fois que les résistances initiales sont passées. Considérons que Christophe Colomb n'a pas découvert une nouvelle route vers les Indes, mais a permi l'introduction en Europe de nouveaux ingrédient jusque là inconnus, et qui sont devenus ajourd'hui partie intégrale de notre alimentation, tels que les pommes de terre, le mais, les piments et les poivrons, le tabac, le cacao,... la liste est longue.

Si nous devions ne nous cantonner qu'a ce que nous connaissons, n'avons nous pas un risque de passer à coté de quelque chose d'intéressant? 

Il y aura ceux qui continueront à suivre Brillat Savarin et resteront coincés éternellement dans un vortex spatio-temporel, et il y aura les autres qui continueront à faire progresser une évolution qui dure depuis quasi trois siècles.

Ferran Adria et son huile d'olive encapsulée

Je vais dans les mois qui viennent tenter de démystifier et vulgariser ces techniques et ingrédients lors de messages ultérieurs, en prenant l'approche suivante:
  • Définition de la technique/ de l'ingrédient
  • Application en cuisine traditionelle
  • Limites de la technique traditionelle
  • Nouvelles technique et ingrédients permettant d'aller au dela des limites
  • Application sous forme de nouvelles recettes
Vu que techniques et ingrédients se croisent, je vais rédiger une série de messages interconnectés, et vous laisser faire votre propre chemin.

Ceci dit, j'ai eu une bonne rigolade il y a quelques jours.... Ma compagne, en me voyant expérimenter avec diverses techniques et mixtures 'modernistes' me dit demanda si des grenouilles se sont amusées dans la cuisine. Il faut dire que le "bacardi coca" sphérifié et gélifié ressemblait fortement à des oeufs de grenouilles, ce qui pourrait prêter à confusion. Il m'a fallu 20 minutes pour arreter de rire.... Autre fou rire lorsque j'ai ensuite ouvert un siphon contenant de la mousse de chocolat que je croyais être vide. Ma chemise, ainsi que la cuisine ont été redécorées...

Je posterais les liens au fur et à mesure de leur rédaction.

Ingrédients Modernistes
Gomme xanthane
Agar agar
Alginates et calcium
Citrate de sodium
Lécithines
Caroube (Locust bean)
Azote liquide
Methylcellulose
Maltodextrine
Carraghénates
Gomme arabique

Techniques
Cuisson basse température /sous vide/ juste température
Epaissisement
Gelification
Solidification
Sphérification
Emulsification
Mousses
Whip /Syphon

Ingrédients traditionels
Gélatine
Eau

Oeufs
Farine, amidons
Pectine
Gomme arabique
Protéines (viandes)


lundi 17 octobre 2011

Le sucre est-il toxique ?

Gary Taubes a publié récemment un article dans le New York Times, et fidèle à lui même, a fait une remarquable synthèse des connaissances actuelles sur l'impact de la consommation de sucre sur notre santé.

L'article original peut  être lu sur le  lien ci dessous, et voici ma traduction, l'article vaut certainement la peine d'être lu


http://www.nytimes.com/2011/04/17/magazine/mag-17Sugar-t.html?_r=1&pagewanted=all

J'ai également traduit un autre article de Gary Taubes, 'Et si tout cela n'était qu'un gros gras mensonge'

Le sucre est-il toxique ?
Par Gary Taubes Publé le 13 avril 2011



Le 26 mai 2009, Robert Lustig a donné une conférence nommée «Sucre: l'amère vérité», conférence qui a été postée sur YouTube en Juillet 2011. Depuis lors, cette vidéo a été vue plus de 800 000 fois, gagner de nouveaux téléspectateurs à un taux d'environ 50 000 par mois, un nombre assez remarquable pour une discussion de 90 minutes sur les subtilités de la biochimie du fructose et la physiologie humaine.

Lustig est un spécialiste des troubles hormonaux en pédiatrie et le principal expert en obésité infantile à l'Université de Californie, San Francisco, School of Medicine, qui est l'une des meilleures écoles de médecine du pays. Il a publié son premier article sur l'obésité infantile une douzaine d'années auparavant, et il continue à traiter des patients et ses recherches sur les trouble hormonaux.

Cependant le succès viral de sa conférence a peu à voir avec ses références impressionnantes mais plutôt avec sa thèse que le sucre est une "toxine" ou un "poison", termes qu'il utilise ainsi 13 fois à travers les cours de la conférence, en plus des cinq références de sucre comme simplement du "mal".

Par «sucre», Lustig ne veut pas seulement dire le truc blanc granulé que nous mettons dans le café et saupoudrons sur les céréales - techniquement connu sous le nom de saccharose - mais également le sirop de maïs à haute teneur en fructose (HFCS), qui est déjà devenu sans l'aide Lustig ce qu'il appelle «l'additif le plus diabolisé connu par l'homme."

Le fait que Lustig est un brillant orateur ne fait pas de tort à sa cause.  Ses détracteurs affirment que ce qui le rend irrésistible est sa facon de prendre des indices suggestifs et de les présenter comme irréfutables. Lustig ne fait pas dans les nuances de gris. Le sucre n'est pas simplement une calorie vide, dit-il, son effet sur nous est beaucoup plus insidieux. «Ce n'est pas à propos des calories», dit-il. "Ca  n'a rien à voir avec les calories. C'est un poison en soi. "

Si Lustig est correct,  alors notre consommation excessive de sucre est la principale raison pour laquelle le nombre d'Américains obèses et diabétiques a grimpé en flèche au cours des 30 dernières années. Mais son argument implique plus que cela. Si Lustig est correct, cela voudrait dire que le sucre est également la cause alimentaire probable  de plusieurs autres maladies chroniques largement considérées comme des maladies des modes de vie occidentaux - les maladies cardiaques, l'hypertension et de nombreux cancers communs entre autres.

Le nombre de personnes ayant regardé le video de Lustig suggère que les gens sont attentifs à ses arguments. Lorsque j'ai commencé à interviewer les autorités de santé publique et les chercheurs pour rédiger cet article, ils commencent souvent l'entrevue avec une certaine variation de la remarque "Vous avez sûrement parlé à Robert Lustig," non pas parce que Lustig a fait de la recherche sur le sucre lui-même, ce qu’il n'a pas fait, mais parce qu'il est prêt à insister publiquement et sans ambiguïté, alors que la plupart des chercheurs ne le sont pas, que le sucre est une substance toxique dont les gens abusent. Le point de vue de Lustig est que le sucre devrait être considéré comme les cigarettes et l'alcool, comme quelque chose qui nous tue.

Cela nous amène à la question clef:  Est-ce que le sucre pourrait être aussi mauvais que le dit Lustig?


C'est une chose de suggérer, comme la plupart des nutritionnistes le font, qu'un régime alimentaire sain est composé de plus de fruits et légumes, et peut-être moins de matières grasses, de viande rouge et de sel, ou moins de tout.

C'est totalement différent d'affirmer que l'un des aspects particulièrement chéri de notre alimentation pourrait ne pas être simplement une indulgence malsaine mais en réalité être toxique, que lorsque vous cuisez un gâteau d'anniversaire pour vos enfants ou que le fait de leur donner de la limonade durant une chaude journée d'été, vous pourriez leur faire plus de mal que de bien.

 Suggérer que le sucre pourrait nous tuer est ce les fanatiques font. Mais Lustig, qui a une réelle expertise, a  accumulé et synthétisé une masse de preuves, qu'il trouve suffisamment convaincantes pour condamner le sucre. Ses détracteurs considèrent que les preuves sont insuffisantes, mais il n'y a aucun moyen de savoir qui pourrait avoir raison, ou ce qui doit être fait pour le savoir, sans d’abord en discuter.

Si je n'avais pas adhéré à cet argument, je ne serais pas en train d'écrire cet article. Et j'ai aussi un avertissement à exprimer. J'ai passé une grande partie de la dernière décennie à faire des recherches journalistiques sur l'alimentation et les maladies chroniques - quelques-unes des conclusions les plus contrariantes sur les graisses alimentaires ont été publiées dans ce magazine - et j'en suis venu à des conclusions similaires à Lustig.

L'histoire du débat sur les effets sanitaires du sucre dure depuis beaucoup plus longtemps que vous pourriez imaginer. Cette histoire est jonchée de déclarations et de conclusions erronées  parce que même les autorités supposées n'avaient aucune véritable compréhension de ce dont ils parlaient. Ils ne savaient pas, littéralement, ce qu'ils entendent par le mot «sucre» et donc quelles en furent les implications.

Commençons donc par clarifier quelques points, en commençant par l'utilisation par Lustig du mot «sucre» pour désigner à la fois le saccharose - sucre de betterave et de canne, qu'ils soit blanc ou brun - et le sirop de maïs à haute teneur en fructose (HFCS). Ceci est un point critique, en particulier parce que le sirop de maïs riche en fructose est en effet devenu «le point d'éclair de défiance de tous les aliments transformés», affirme Marion Nestle, une nutritionniste de l'université de New York et auteur de "Politique alimentaire".

Cette évolution est récente et limite humoristique. Au début des années 1980, le sirop de maïs riche en fructose a remplacé le sucre dans les sodas et autres produits en partie parce que le sucre raffiné avait la réputation d'un nutriment généralement nocif. ("Villain in Disguise?" disait un titre dans ce journal en 1977, avant de répondre par l'affirmative.) Le sirop de maïs à haute teneur en fructose a été dépeint par l'industrie alimentaire comme une alternative saine, et c'est ainsi que le grand public l'a perçu. Il était aussi moins cher que le sucre, qui ne faisait pas mal pour ses perspectives commerciales. Maintenant la marée repart dans l'autre sens, et le sucre raffiné fait un retour commercial comme l'alternative saine à cette substance supposée nocive . «Les compagnies sont en train de remplacer leurs produits avec du saccharose et en font une publicité telle que -« pas de sirop de maïs à haute teneur en fructose ", précise Nestlé.

En dehors du marketing, les deux édulcorants sont effectivement identiques dans leurs effets biologiques. «Sirop de maïs à haute teneur en fructose, sucre - pas de différence»,  a dit Lustig dans une conférence à laquelle j'ai assisté à San Francisco en décembre de l'année passée, le fait est qu'ils sont identiquement  mauvais - et identiquement toxiques."

Le sucre raffiné (à savoir le saccharose) est constitué d'une molécule de glucose liée à une molécule de fructose  - un mélange 50-50 des deux. Le fructose, qui est presque deux fois plus sucrant que le glucose, est ce qui distingue le sucre d'autres aliments riches en glucides comme le pain ou les pommes de terre qui se décomposent lors de la digestion en seul glucose. Plus il y a de fructose dans une substance, plus le gout sera sucré. Le sirop de maïs à haute teneur en fructose, dans sa forme la plus couramment consommée, est constitué de 55 pour cent de fructose, et les autres 45 pour cent sont quasi tout glucose. Il a d'abord été commercialisé dans les années 1970 et a été créé pour être indiscernable du sucre raffiné lorsqu'il est utilisé dans les boissons gazeuses. Comme chacun de ces sucres sont assimilés sous forme de glucose et de fructose, notre corps réagit de la même façon, et les effets physiologiques sont identiques.

Dans une évaluation des connaissances scientifiques actuelles en 2010,  Luc Tappy, chercheur à l'Université de Lausanne en Suisse, qui est considéré par les biochimistes qui étudient le fructose comme la première autorité du monde sur le sujet, dit qu'il n'y avait "pas le mondre soupçon que le HFCS soit plus dommageable que les autres sources de sucre.

La question est donc non pas de savoir  si le sirop de maïs riche en fructose est pire que le sucre, c'est l'effet qu'ils nous font et comment font-ils cela? La sagesse populaire a longtemps considéré que le pire qui peut être dit sur les sucres de tout genres, c'est qu'ils causent les caries dentaires et représentent des «calories vides» que l'on mange en excès car ils ont un si bon goût.

Selon cette logique, les boissons sucrées (ou HFC-boissons sucrées, comme la Sugar Association préfère les appeler) sont mauvaises pour nous non pas parce qu'il ya quelque chose de particulièrement toxique avec sucre qu'elles contiennent, mais simplement parce que les gens en consomment trop.

Les organisations qui aujourd'hui nous conseillent de réduire notre consommation de sucre - le ministère de l'Agriculture, par exemple, dans sa récente Dietary Guidelines for Americans, ou l'American Heart Association dans les lignes directrices publiées en Septembre 2009 (dont Lustig était un co-auteur ) - le font pour cette raison. Le sucre raffiné et le HFCS ne viennent avec aucune protéine, vitamine, minéraux, antioxydants ou fibres, et de ce fait  déplacent soit d'autres éléments plus nutritifs de notre alimentation ou sont mangés au-delà de nos besoins, et c'est pourquoi nous devenons plus gros.

Le fait que l'argument calories-vide soit vrai est certainement commode. Il permet à chacun d'attribuer le blâme pour l'obésité et, par extension, le diabète - deux conditions si intimement liés que certaines autorités ont prises pour les qualifier le terme de «diabésité» - à la suralimentation de tous les aliments, ou au manque d'exercice, car une calorie est une calorie. "Il ne s'agit pas de diaboliser toute l'industrie», comme Michelle Obama a déclaré à ce sujet lors de son programme de lutte contre l'épidémie d'obésité infantile. Au contraire, il s'agit de nous inciter - et a nos enfants - à bouger plus et manger moins, de réduire la taille de nos portions, de réduire les collations.

L'argument de Lustig, cependant, n'est pas sur la consommation de calories vides - et d'autres biochimistes ont émis le même argument auparavant, mais pas publiquement. C'est que le sucre a des caractéristiques uniques, particulièrement dans la façon dont le corps humain métabolise le fructose qui peut le rendre singulièrement dangereux, tout au moins si il est consommé en quantités suffisantes.

La phrase dont Lustig se sert quand il décrit ce concept est "isocalorique mais pas isometabolique." Cela signifie que nous pouvons manger 100 calories de glucose (à partir de pommes de terre ou de pain ou autre féculent) ou 100 calories de sucre (glucose et fructose moitié moitié), et ils seront métabolisés différemment et auront un effet différent sur le corps. Les calories sont les mêmes, mais les conséquences métaboliques sont assez différentes.

La composante fructose du sucre et du HFCS est principalement métabolisée par le foie, tandis que le glucose venant du sucre et des amidons est métabolisé par chaque cellule du corps. La consommation de sucre (fructose et glucose) signifie plus de travail pour le foie que si vous consommez le même nombre de calories sous forme d'amidon (glucose). Et si vous prenez du sucre sous forme liquide - jus de fruits ou  soda - le fructose et le glucose vont frapper le foie plus rapidement que si vous les consommez, par exemple, dans une pomme (ou plusieurs pommes, pour obtenir ce que les chercheurs appellent la dose équivalente de sucre). La rapidité avec laquelle le foie doit faire son travail affectera également la façon dont il métabolise le fructose et le glucose.

Chez les animaux, ou tout au moins chez les rats et souris de laboratoire, il est clair que si le fructose frappe le foie en quantité suffisante et avec une vitesse suffisante, le foie va le convertir en majeure partie en graisse. Ceci induit apparemment une condition connue comme résistance à l'insuline, qui est maintenant considéré comme le problème fondamental de l'obésité, et le problème sous-jacent dans les maladies cardiaques et dans le diabète de type 2, qui est commun aux individus obèses et en surpoids. Il pourrait aussi être le problème sous-jacent dans de nombreux cancers.

Si ce qui se passe chez les rongeurs de laboratoire se passe aussi chez les humains, et si on mange assez de sucre pour y arriver, alors nous avons un gros problème.

La dernière fois qu'une agence du gouvernement fédéral s'est penchée en détail sur la question du sucre et de la santé fut en 2005, dans un rapport de l'Institute of Medicine, une branche de la National Academies. Les auteurs du rapport ont reconnu que beaucoup de preuves suggèrent que le sucre pourrait augmenter le risque de maladies cardiaques et le diabète - même élever le cholestérol LDL, connu comme le «mauvais cholestérol» - mais ils ne considèrent pas que la recherche soit définitive. Il y a  suffisamment d'ambiguïté, ont-ils conclu, qu'ils ne pouvaient même pas fixer une limite supérieure sur la quantité de sucre qui serait considérée comme étant de trop.

Faisant référence au rapport de 2005, un rapport de l'Institut de Médecine publié l'automne dernier a réitéré, "Il ya un manque d'accord scientifique sur la quantité de sucres qui peuvent être consommés dans un régime alimentaire sain." Ce fut la même conclusion à laquelle la Food and Drug Administration est venue la dernière fois qu'elle a évalué la question des sucres en 1986. Le rapport du F.D.A. a été perçu comme une exonération du sucre, et cette perception influence le traitement du sucre dans les rapports de référence subséquents sur l'alimentation et la santé.

La Sugar Association et la Corn Refiners Association ont également dépeint le rapport de la FDA de 1986 comme blanchissant le sucre de crimes nutritionels, mais les réelles conclusions de ce rapport sont tout autre chose. Pour être précis, les examinateurs de la F.D.A. ont déclaré qu'a part sa contribution calorique, "il n’y a aucune preuve concluante que les sucres présentent un danger pour le public lorsque les sucres sont consommés aux niveaux actuels." C'est une autre façon de dire que la preuve en aucun cas n'a réfuté les types d'allégations qui Lustig fait maintenant et que d'autres chercheurs ont fait, c'est juste de dire que les conclusions ne sont pas définitives ou sans ambiguité.

Ce que nous devons garder à l'esprit, dit Walter Glinsmann, administrateur à la FDA  qui a été le principal auteur du rapport 1986 et qui est maintenant un conseiller du Corn Refiners Association, est que le sucre et le sirop de maïs riche en fructose pourraient être toxique, comme Lustig prétend, mais également toute autre substance consommée de manière ou en quantités telles qui ne sont pas naturelles pour les humains. La question est toujours de savoir à quelle dose une substance cesse d'être inoffensive pour devenir nocive? Combien devons nous en consommer avant que cela n'arrive?

Lorsque Glinsmann et ses co-auteurs au  F.D.A. ont décidé qu'aucune preuve concluante de nuisibilité au niveau de consommation actuel de sucre n'existait, ils ont estimé ces niveaux à 40 livres (20 Kg) par personne et par an au-delà de ce que nous pourrions obtenir naturellement dans les fruits et légumes - 20 Kg par personne et par an de «sucres ajoutés "comme des nutritionnistes les appellent désormais. C'est 200 calories par jour de sucre, ce qui est inférieur au sucre  d'une cannette et demie de Coca-Cola ou deux tasses de jus de pomme. Si c'est en effet tout ce que nous consommons, la plupart des nutritionnistes, aujourd'hui, seraient très heureux, y compris Lustig.

Mais 40 livres par an c'est 35 livres de moins que ce les analystes du ministère de l'Agriculture disent que nous consommons à l'heure actuelle- 75 livres par personne et par an - qui sont considérées commes les estimations les plus fiables. Depuis le début des années 2000, selon l'USDA, nous avions augmenté notre consommation à plus de 90 livres par personne et par an.

La corrélation entre cette augmentation avec l'épidémie actuelle d'obésité et de diabète est l'une des raisons pour laquelle il est tentant de blâmer les sucres - saccharose et de sirop de maïs à haute teneur en fructose - pour ce problème. En 1980, environ un Américain sur sept était obèse, et près de six millions étaient diabétiques, et le taux d'obésité  n'avait pas changé de manière significative au cours des 20 années précédentes. Au début des années 2000, lorsque la consommation de sucre a atteint un sommet, un Américain sur trois est obèse, et 14 millions sont diabétiques.

Cette corrélation entre la consommation de sucre et le diabète est ce que les avocats de la défense nomment une preuve circonstancielle. Ce qui est plus convaincant cependant, est que lorsque la consommation de sucre a bondi la dernière fois dans ce pays, il y a également eu à une épidémie de diabète.

En début du 20ème siècle, la plupart des principales autorités sur le diabète en Amérique du Nord et en Europe (y compris Frederick Banting, qui a partagé le prix Nobel 1923 pour la découverte de l'insuline) soupçonnaient que le sucre provoque le diabète, qui est fondé sur l'observation que la maladie était rare dans les populations qui ne consomment pas de sucre raffiné et très répandue dans ceux qui en consomment. En 1924, Haven Emerson, Directeur de l'Institut de la santé publique à l'Université Columbia, a rapporté que les décès dus au diabète à New York ont augmenté de près de 15 fois depuis les années de guerre civile, et que les décès ont quadruplé dans certaines villes des  Etats-Unis entre 1900 et 1920.

Cela a coïncidé, a-t-il noté, avec une augmentation aussi importante de la consommation de sucre - qui a presque doublé de 1890 à 1920 - avec la naissance et la croissance ultérieure de la confiserie et de boissons gazeuses industrielles.

L'argument d'Emerson a été contré par Elliott Joslin, une sommité en matière de diabète, et Joslin a gagné. Mais son argument est fondamentalement vicié. Autrement dit, il disait ceci: Les Japonais mangent beaucoup de riz, et les diabétiques japonais sont rares, le riz est principalement des glucides, ce qui suggère que le sucre, aussi un hydrate de carbone, ne cause pas le diabète. Mais le sucre et le riz ne sont pas identiques simplement parce qu'ils sont tous les deux des glucides. Joslin ne pouvait pas savoir à l'époque que la teneur en fructose du sucre affecte la façon dont nous le métabolisons.

Joslin ignorait également que les Japonais mangeaient peu de sucre. Au début des années 1960, les Japonais mangeaient aussi peu de sucre que les Américains en mangeaient un siècle plus tôt, peut-être moins, ce qui signifie que l'expérience japonaise pourrait avoir été utilisée pour soutenir l'idée que le sucre provoque le diabète. Pourtant, avec Joslin plaidant édition après édition de son ouvrage fondamental que le sucre ne joue aucun rôle dans le diabète, sera finalement devenu une verité indiscutable.

Avant l'arrivée de Lustig la dernière fois qu'un universitaire ait avancé la thèse de sucre comme  toxine fut dans les années 1970, lorsque John Yudkin, une sommité en matière de nutrition au Royaume-Uni, publia une polémique sur le sucre appelé "Sweet and Dangerous". 


"Pendant les années 1960 Yudkin fit une série d'expériences en nourrissant du sucre et de l'amidon à des rongeurs, des poules, des lapins, des cochons et des étudiants. Il a constaté que le sucre a immanquablement élevé les taux sanguins de triglycérides (un terme technique pour la graisse), qui était alors, comme aujourd'hui, considéré comme un facteur de risque de maladies cardiaques. Le sucre a également élevé le niveau d'insuline durant ses expériences, qui est lié directement au diabète de type 2. Peu de personnes de  la communauté médicale prirent au sérieux les idées de Yudkin, en grande partie parce qu'il posait l'argument que les graisses alimentaires et les graisses saturées étaient inoffensives. Cette hypothèse positionnait les travaux de Yudkin directement à l'encontre des thèses toujours actuelles que les matières grasses dans l'alimentation sont la cause principale de maladies cardiaques,  une notion défendue par Ancel Keys , nutritionniste de l'Université du Minnesota.

Une assomption commune à l'époque était que si une hypothèse est correcte, alors l'autre hypothèse est plus que probablement fausse. Soit la graisse fait monter le taux de cholestérol et provoque des maladies cardiaques, ou soit le sucre le fait en augmentant le taux de triglycerides.

"La théorie selon laquelle les régimes riches en sucre sont une cause importante de l'athérosclérose et des maladies cardiaques n'a pas un grand support parmi les experts dans le domaine, qui disent que les graisses et le cholestérol sont les coupables plus probable», écrivit Jane E. Brody dans The Times en 1977.

À l'époque, la plupart des observations clés cités supportant que la graisse alimentaire provoque les maladies cardiaques supportent également la théorie du sucre?

Durant la guerre de Corée, des pathologistes autopsiant des soldats américains tués au combat ont remarqué que beaucoup avaient des plaques dans leurs artères principales, même chez ceux qui étaient encore adolescents, tandis que les Coréens tués au combat n'en avaient pas. Les plaques d'athérome chez les Américains ont été attribués au fait qu'ils mangeaient un régime plus riche en graisses, et que les Coréens mangeaient peu de gras. Mais les Américains mangeaient également plus de sucre, alors que les Coréens, comme les Japonais, en mangeaient peu.


En 1970, Keys a publié les résultats d'une étude historique en matière de nutrition connue comme la Seven Countries Study. Ses résultats ont été perçus par la communauté médicale et le grand public comme preuves convaincantes que la consommation de gras saturés est le meilleur prédicteur de maladies cardiaques. Mais la consommation de sucre dans les sept pays étudiés a été presque aussi prédictive. Alors il est possible que Yudkin avait raison, et que Keys avait tort.

Les cliniciens européens prirent le coté de Yudkin, les Américains celui de Keys. La situation n'a pas été aidée, comme l'un des collègues de Yudkin m'a dit plus tard, par le fait qu' il y avait un peu de haine entre les deux nutritionnistes. En 1971, Keys a publié un article attaquant Yudkin et décrivant ses preuves contre le sucre comme légères. Il a crée une image méprisante de Yudkin et Yudkin n’a jamais réussi à changer sa réputation.

À la fin des années 1970, tout scientifique qui a étudié les effets potentiellement dangereux du sucre dans l'alimentation mettait en danger sa réputation, selon Sheldon Reiser qui a fait exactement cela au laboratoire de l'USDA à Beltsville Glucides Nutrition Maryland, et en a parlé publiquement. "Yudkin était si discrédité," m'a dit Reiser "Il a été ridiculisé dans un sens. Et quiconque osait dire du mal sur le sucre était décrié comme  "Il est juste comme Yudkin."

Qu'est-ce qui a changé depuis lors, hormis le fait que les Américains deviennent plus gros et plus diabétiques?

Ce n'est pas que les chercheurs ont appris quelque chose de particulièrement nouveau sur les effets du sucre ou du sirop de maïs à haute teneur en fructose sur le corps humain. Plutôt le contexte de la science a changé: les médecins et les autorités médicales en sont venus à accepter l'idée qu'une condition connue comme le syndrome métabolique est un facteur de risque majeur, voire le principal, du risque des maladies cardiaques et du diabète. Le Centers for Disease Control and Prevention estime que quelque 75 millions d'Américains ont le syndrome métabolique. Pour ceux qui ont souffert d'une crise cardiaque, le syndrome métabolique en est très probablement la cause.

Le premier symptôme que les médecins cherchent lors d'un diagnostic de syndrome métabolique est l'augmentation du tour de taille. Cela signifie que si vous êtes en surpoids, il ya une bonne chance que vous ayez le syndrome métabolique, et c'est pourquoi vous êtes plus susceptibles d'avoir une crise cardiaque ou devenir diabétique (ou les deux) qu'une autre personne qui n'a pas ce syndrome. Bien que les personnes maigres peuvent avoir également le syndrome métabolique, le risque de maladie cardiaque et de diabète est plus élevé que les personnes maigres sans ce syndrome.


Le fait d'avoir le syndrome métabolique est une autre façon de dire que les cellules de votre corps ignorent l'action de linsuline - une condition connue techniquement comme étant résistant à l'insuline. Vu que l'insulinorésistance et le syndrome métabolique font relativement peu de vagues dans la presse (en comparaison au cholestérol), laissez-moi vous expliquer les bases.

Vous sécrétez de l'insuline en réponse aux aliments que vous mangez - en particulier les hydrates de carbone - pour maintenir votre glycémie (taux de glucose sanguin) sous contrôle après un repas. Si vos cellules sont résistantes à l'insuline, votre corps (votre pancréas, pour être plus précis) répond à la hausse de la glycémie en pompant de plus en plus d'insuline. Finalement, le pancréas ne peut plus faire face à la demande ou abandonne par ce que les diabétologues appellent «l'épuisement du pancréas." Désormais, votre glycémie augmentera hors de contrôle, et vous avez le diabète.


Toutes les personnes résistantes à l'insuline ne deviennent pas nécessairement diabétique, certains continuent à sécréter suffisamment d'insuline pour surmonter la résistance de leurs cellules à l'hormone. Mais le fait d'avoir des niveaux d'insuline chroniquement élevés donne lieu à d'autres effets dommageables - les maladies cardiaques entre autres. Un des résultats est l'augmentation des triglycérides et de la tension artérielle, des niveaux plus bas de cholestérol HDL (le «bon cholestérol»), ce qui aggrave la résistance à l'insuline - il s'agit d'un syndrome métabolique.

Lorsque les médecins évaluent votre risque de maladie cardiaque de nos jours, ils prendront en considération votre taux de cholestérol LDL (le mauvais ), mais aussi ces symptômes du syndrome métabolique. L'idée, selon Scott Grundy  nutritionniste de l'Université du Texas Southwestern Medical Center et président du panel qui a produit la dernière édition des lignes directrices du National Cholesterol Education Program, est que les crises cardiaques il ya 50 ans pourraient avoir été causées par le taux de cholestérol élevé - particulièrement élevé de cholestérol LDL - mais depuis, nous sommes tous devenus plus gros et plus diabétiques, et maintenant c'est le syndrome métabolique qui est le problème plus apparent.

Cela soulève deux questions évidentes. Le premier est pour commencer, qu'est-ce qui  provoque le syndrome métabolique, ce qui est une autre manière de demander quelles sont les causes initiales de la résistance à l'insuline ? Il ya plusieurs hypothèses, mais les chercheurs qui étudient les mécanismes de la résistance à l'insuline pensent maintenant que la cause probable est l'accumulation de graisse dans le foie. Lorsque des études ont été réalisées pour essayer de répondre à cette question chez l'homme, dit Samuel Varman, qui étudie l'insulino-résistance à la Yale School of Medicine, la corrélation entre la graisse hépatique et l'insulinorésistance chez des patients, maigres commes obèses, est "remarquablement importante." Selon Samuel «dès que vous accumulez de la graisse dans le foie, vous devenez résistant à l'insuline».

Cela soulève d'autres questions évidentes: qu'est ce qui cause le foie à accumuler de la graisse chez les humains? Une assomption courante est que tout simplement le fait de devenir plus gros entraîne une stéatose hépatique, mais cela n'explique pas le foie gras chez les personnes minces. Certaines causes pourraient être attribués à une prédisposition génétique. Mais en revenant vers Lustig, il ya aussi la possibilité très réelle que cela est causé par le sucre.


En fait , le syndrome métabolique et l'insulinorésistance sont les raisons pour lesquelles de nombreux chercheurs étudient aujourd'hui le fructose. Si vous voulez provoquer la résistance à l'insuline chez les rats de laboratoire, déclare Gerald Reaven, le diabétologue l'Université de Stanford qui a fait beaucoup de travail de pionnier sur le sujet, nourrir ces rats avec un régime qui est essentiellement du fructose est un moyen facile d'y arriver. C'est un effet "très évident, très spectaculaire" dit Reaven.

Au début des années 2000, des chercheurs étudiant le métabolisme du fructose ont établi certaines conclusions sans ambiguïté et ont bien établi les explications biochimiques de ce phénomène. Nourrissez les animaux avec suffisamment de fructose pur ou assez de sucre, et leurs foies convertiront le fructose en graisse - les acides gras saturés, le palmitate, pour être précis, qui supposément provoquent une maladie cardiaque lorsque nous en mangeons, en augmentant le cholestérol LDL. La graisse s'accumule dans le foie, et l'insulinorésistance et le syndrome métabolique suivent.

Michael Pagliassotti, un biochimiste de l'Université du Colorado qui a fait beaucoup d'études animales pertinentes dans la fin des années 1990, affirme que ces changements peuvent se produire en aussi peu de temps qu'une semaine si les animaux sont nourris de sucre ou du fructose en quantités énormes - 60 ou 70 pour cent des calories de leur alimentation. Cela peut prendre plusieurs mois si les animaux sont nourris de quelque chose de plus proche de ce que les humains (en Amérique) consomment réellement - environ 20 pour cent des calories dans leur alimentation. Arrêtez de leur donner du sucre, dans les deux cas, et le foie gras va rapidement disparaitre, ainsi que la résistance à l'insuline.

Des effets similaires ont été démontrés chez les humains, bien que les chercheurs ayant fait ce travail ont effectué les études sur seulement le fructose - comme Luc Tappy l'a fait en Suisse ou Peter Havel et Kimber Stanhope fait à l'Université de Californie - et le fructose pur n'est pas la même chose que le sucre ou le sirop de maïs riche en fructose. Lorsque Tappy nourrit ses sujets humains l'équivalent du fructose contenu dans 8 à 10 canettes de Coke ou Pepsi par jour - une «dose assez élevé», dit-il - leur foie commençait à devenir résistant à l'insuline, et leur taux de triglycérides grimpe en seulement quelques jours. Avec des doses plus faibles, Tappy dit, tout comme dans la recherche animale, les mêmes effets apparaissent mais cela prendrait plus longtemps, un mois ou plus.

Malgré l'accumulation constante des résultats des recherches, la preuve peut encore être critiquée comme étant loin d'être concluante. Les études chez les rongeurs ne sont pas nécessairement applicables aux humains. Et le genre d'études que Tappy, Havel et Stanhope ont fait -avec de vraies personnes buvant des boissons sucrées avec du fructose et comparer les effets d'autres boissons sucrées au glucose - n'est pas la réalité de tous les jours, car nous ne consommons quasi jamais du fructose tout seul. Nous le consommons typiquement avec du glucose, en proportions 50-50 de sucre ou de sirop de maïs riche en fructose. Et puis la quantité de fructose ou de saccharose utilisée dans ces études pour les rongeurs comme pour les sujets humains, a généralement été énorme.

C'est pourquoi les recherches sur le sujet concluent invariablement que plus de recherches sont nécessaires afin d'établir à quelle dose le sucre et le sirop de maïs riche en fructose deviennent ce que Lustig appelle toxique. "Il ya clairement un besoin pour des études d'intervention», comme l'a formulé récemment Tappy dans le jargon technique de la filière ", dans lequel l'apport de fructose est réduit afin de mieux délimiter le rôle pathogènique potentiel du fructose. A l'heure actuelle cependant, la recherche suggère qu'un apport élevé en fructose via les boissons gazeuses, jus sucré ou produits de boulangerie peuvent augmenter le risque de maladies métaboliques et cardiovasculaires. "

En termes plus simples, combien devons nous manger de ce genre de choses et pendant combien de temps, avant qu'il nous arrive la même chose qu'aux rats de laboratoire? Et cette quantité est-elle plus élevée que ce que nous consommons actuellement?

Malheureusement, il est improbable que nous n'apprenions de nouvelles choses concluantes sur ce sujet dans un proche avenir. Comme Lustig le fait remarquer, le sucre et le sirop de maïs riche en fructose ne sont certainement pas des "toxines aiguës" du type que la FDA régule normalement et dont les effets peuvent être étudiés au cours de jours ou de mois. La question est de savoir si elles sont «toxiques chroniques», ce qui signifie "non toxique après un repas, mais après 1000 repas." Cela signifie que ce que Tappy appelle «les études d'intervention" doivent durer beaucoup plus long temps que 1000 repas pour devenir significatives .

Pour l'instant, le National Institutes of Health offre étonnamment peu de support pour des essais cliniques liés au sucre et au sirop de maïs à haute teneur en fructose et aucune étude ne dure plus de quelques mois. Lustig et ses collègues de U.C.S.F. - Dont Jean-Marc Schwarz, dont Tappy décrit comme l'un des trois meilleurs biochimistes du fructose dans le monde - font une de ces études. Elle se penchera sur ce qui arrive quand les adolescents obèses ne consomment plus de sucre autre que ce qu'ils pourraient obtenir dans les fruits et légumes. Une autre étude va faire la même chose avec les femmes enceintes pour voir si leur bébé nait sain et plus maigre.

Seulement une étude dans ce pays, par Havel et Stanhope à l'Université de Californie, Davis, tente d'aborder directement la question de savoir combien de sucre est nécessaire pour déclencher les symptômes de la résistance à l'insuline et le syndrome métabolique.

Havel et Stanhope font boire à des personnes saines trois boissons sucrées par jour et ensuite observent ce qui arrive. Le hic, c'est que leurs sujets d'étude passent par cette période de trois boissons par jour de pendant seulement deux semaines. Cela ne semble pas très longtemps - seulement 42 repas, et non pas 1000 - mais Havel et Stanhope ont étudié le fructose depuis le milieu des années 1990, et ils semblent convaincus que deux semaines sont suffisantes pour voir si ces sucres provoquer quelques uns des symptômes du syndrome métabolique.

Donc la réponse à la question de savoir si le sucre est aussi mauvais que prétend Lustig est qu'il pourrait certainement l'être. Il peut très bien être vrai que le sucre et le sirop de maïs riche en fructose, en raison de la manière unique dont nous métabolisons le fructose et au niveau de notre consommation, cause l'accumulation de graisse dans notre foie et est suivi par l'insulinorésistance et le syndrome métabolique, et déclenche le processus qui mène aux maladies cardiaques, au diabète et obésité. Ils pourraient en effet être toxiques, mais ils prennent des années à faire leur dégât. Cela ne se passe pas en une nuit, et tant qu'il n'y aura pas d'étude à long terme, nous ne le saurons pas avec certitude.

Une autre question doit encore être posée, est ce que ma femme, qui a du vivre avec mon obsession journalistique sur ce sujet, appelle le problème Grinch-essaye-de-voler-Noël. Quelles sont les chances que le sucre soit en réalité bien pire que ce que Lustig dit ?


Une des maladies dont l'incidence augmente avec l'augmentation du syndrome d'obésité, de diabète et du métabolisme est le cancer. C'est pourquoi j'ai dit plus tôt que l'insulino-résistance peut être un cause  fondamentale sous-jacente dans de nombreux cancers, comme pour le diabète de type 2 et les maladies cardiaques. Le lien entre l'obésité, le diabète et le cancer a d'abord été signalé en 2004 dans les études de population importante par des chercheurs de l'Agence internationale de l'Organisation mondiale de la Santé pour la recherche sur le cancer. Il n'est pas controversé. Cela signifie-t-il est que vous êtes plus susceptibles d'avoir un cancer si vous êtes obèse ou diabétique que si vous n'êtes pas, et êtes vous plus susceptible d'avoir un cancer si vous souffrez du syndrome métabolique que si vous n'avez pas.

Cela va de pair avec deux autres observations qui ont conduit à l'idée bien acceptée qu'un grand pourcentage des cancers est causé par notre alimentation occidentale et notre mode de vie. Cela signifie qu'ils pourraient en fait être évités si l'on pouvait déterminer exactement quel est le problème et de prévenir ou d'éviter cela.

Une observation est que les taux de décès par cancer, comme ceux du diabète, ont augmenté considérablement dans la deuxième moitié du 19e siècle et les premières décennies du 20e siècle. Comme avec le diabète, cette observation a été accompagnée par un débat vigoureux pour savoir si ces augmentations pouvaient être expliquées uniquement par le vieillissement de la population et l'utilisation de nouvelles techniques de diagnostic ou de savoir si  l'incidence du cancer lui-même est en augmentation. «Dans les années 1930», comme un rapport de 1997 par le World Cancer Research Fund International et l'American Institute for Cancer Research a expliqué, «il était évident que les taux de mortalité ajusté selon l'âge du cancer étaient en hausse aux Etats-Unis," ce qui signifie que la probabilité de tout particulier de 60 ans, par exemple, mourir d'un cancer augmente, même s'il y avait effectivement plus de personnes agées de plus de 60 ans avec chaque année qui passe.

La deuxième observation est que le cancer malin, comme le diabète, était une maladie relativement rare dans les populations qui ne mangent pas les régimes occidentaux, et dans certains de ces populations, il semblait être pratiquement inexistant. Dans les années 1950, le cancer malin chez les Inuits, par exemple, était encore jugé assez rare que les médecins travaillant dans le nord du Canada publient un rapport dans des revues médicales lorsqu'ils diagnosent un cas.

En 1984, les médecins canadiens ont publié une analyse de 30 ans sur l'incidence du cancer chez les Inuits de l'ouest et le centre de l'Arctique. Bien qu'il y avait eu une "augmentation remarquable de l'incidence des cancers des sociétés modernes», notamment du poumon et le cancer du col, ils ont signalé, il y avait encore des "déficits ostentatoires" dans les taux de cancer du sein. Ils n'ont pu trouver qu'un seul cas chez un patient inuit avant 1966, et seulement deux autres cas entre 1967 et 1980. Depuis lors, comme leur régime alimentaire est devenu plus comme le nôtre, l'incidence du cancer du sein a augmenté de façon constante chez les Inuits, bien qu'il soit encore nettement inférieur à celui d'autres groupes ethniques d'Amérique du Nord. Les taux de diabète chez les Inuits est également passé de très faible au le milieu du 20e siècle à élevé aujourd'hui .

Maintenant la plupart des chercheurs sont d'accord que le lien entre l'alimentation occidentale et le mode de vie et le cancer se manifeste à travers cette association avec le syndrome d'obésité, de diabète et du métabolisme - à savoir, l'insulino-résistance. Telle était la conclusion, par exemple, d'un rapport de 2007 publié par le World Cancer Research Fund et l'American Institute for Cancer Research - ". Alimentation, Nutrition, Activité Physique et Prévention du Cancer"

Alors, comment ça marche? Les chercheurs du cancer considèrent désormais que le problème avec l'insulino-résistance, qui nous amène à sécréter plus d'insuline et l'insuline (ainsi qu'une hormone liée connue comme facteur de croissance analogue à l'insuline) favorise réellement la croissance tumorale.

Comme il m'a été expliqué par Craig Thompson, qui a fait beaucoup de ces recherches et est aujourd'hui président de Memorial Sloan-Kettering Cancer Center à New York, les cellules de nombreux cancers humains deviennent dépendantes à l'insuline pour obtenir du carburant (sucre dans le sang ) et les matériaux dont ils ont besoin pour croître et se multiplier. L'insuline et l'insuline-like growth factor (et facteurs de croissance apparentés) fournissent également le signal pour le faire.


Au plus d'insuline, au mieux elles se portent. Certains cancers développent des mutations qui ont pour but d'accroître l'influence de l'insuline sur la cellule, d'autres vont profiter des niveaux élevés d'insuline qui sont communs au syndrome métabolique, obésité et diabète de type 2. Certains font les deux. Thompson croit que de nombreuses cellules pré-cancéreuses ne seraient jamais capables d'acquérir les mutations qui les transforment en tumeurs malignes si elles n'ont pas été poussées par l'insuline à prendre de plus en plus de sucre sanguin et de le métaboliser.

Ce que ces chercheurs appellent la signalisation élevés d'insuline (ou insuline-like growth factor) semble être une étape nécessaire dans de nombreux cancers humains, particulièrement les cancers comme le cancer du sein et du côlon. Lewis Cantley, directeur du Centre du cancer au Beth Israel Deaconess Medical Center à Harvard Medical School, affirme que jusqu'à 80 pour cent de tous les cancers humains sont commandés par des mutations ou des facteurs environnementaux qui améliorent ou mimiquent l'effet de l'insuline sur les cellules tumorales initiales. Cantley est maintenant le chef de l'une des cinq scientifiques «équipes de rêve», financé par une coalition nationale appelé Stand Up to Cancer, pour étudier, dans le cas de l'équipe de Cantley, précisément ce lien entre un gène particulier à l'insuline de signalisation (appelé techniquement PI3K) et le développement de tumeurs du sein et autres cancers communs aux femmes.

La plupart des chercheurs qui étudient ce lien insuline / cancer semblent intéressés principalement à développer un médicament qui pourrait fonctionner pour supprimer la signalisation de l'insuline dans les cellules cancéreuses naissantes et ainsi, ils espèrent, d'inhiber ou d'empêcher entièrement leur croissance.



La plupart des chercheurs étudiant le lien insuline / cancer dans une perspective de santé publique - comme dans le rapport 2007 du World Cancer Research Fund et l'American Institute for Cancer Research - se basent sur l'assomption que les niveaux d'insuline chroniquement élevés et l'insulinorésistance sont à la fois causée par l'excès ou la prise de poids. Ils recommandent, comme le rapport de 2007 a fait, que nous devrions tous faire un effort pour maigrir et être plus actifs physiquement, ce qui  à son tour va nous aider à prévenir le cancer.

Mais certains chercheurs feront le cas, comme Cantley et Thompson faire, que si quelque chose d'autre que le fait d'être simplement plus gros est à l'origine de la résistance à l'insuline, pour commencer, c'est très probablement l'origine alimentaire de nombreux cancers. Si c'est le sucre qui provoque une résistance à l'insuline, disent-ils, alors il est difficile d'éviter la conclusion que le sucre provoque des cancers - certains cancers, du moins – aussi radicale que cela puisse paraître et malgré le fait que cette suggestion n'a rarement, voire jamais été exprimée publiquement auparavant. Pour cette seule raison, aucun de ces hommes ne mangent du sucre ou du sirop de maïs riche en fructose, s'ils peuvent l'éviter.

"J'ai éliminé le sucre raffiné de mon alimentation et j'en mange aussi peu que possible", m'a dit Thompson, "parce que je crois finalement que c'est quelque chose que je peux faire pour diminuer le risque de cancer." Cantley l'exprime de cette façon: "Le sucre me fout la trouille ".

Le sucre me fait peur aussi, évidemment. J'aimerais en manger avec modération. J'aimerais certainement que mes deux fils soient en mesure d'en manger avec modération, de ne pas en surconsommer, mais je ne sais pas vraiment ce que cela signifie, et j'ai fait des reportages sur ce sujet que j'étudie depuis plus d'une décennie.

Que le sucre nous fasse grossir , c'est une chose. Si nous commençons à prendre du poids, nous en mangeons moins. Mais nous parlons aussi des choses qu'on ne voit pas - foie gras, résistance à l'insuline et tout ce qui suit.

Officiellement, je ne suis pas censé être inquiet car la preuve n'est pas concluante, mais je le suis.