vendredi 3 juin 2011

Cuisson du sucre, sirops et confiserie

Le sucre - ou plus précisément le saccharose- est une substance aux propriétés surprenantes.

J'ai lu beaucoup d'articles à ce sujet, ainsi que beaucoup de questions et commentaires, quelquefois assez surprenants, dès lors je vais essayer de résumer et simplifier le sujet.
Dans sa forme la plus courante nous achetons le sucre sous forme de petits cristaux, solubles dans l’eau.
Bien que normalement sous forme cristalline, le saccharose peut avoir des comportements intéressants. En effet, si vous prenez une grande quantité de sel de cuisine et le mettez dans de l’eau froide, une certaine quantité va se dissoudre. En chauffant le mélange, une plus grande quantité va se dissoudre, et en refroidissant, reformer des cristaux.

Ce n’est pas nécessairement le cas avec le sucre. A température ambiante, à savoir 20°, il est possible de dissoudre 204g de sucre par litre d’eau. En chauffant l’eau, il est possible de dissoudre également une plus grande quantité de sucre, mais en refroidissant le sucre excédentaire ne va pas nécessairement recristalliser.

Nous obtenons ce qui s'appelle un sirop….

Les cristaux de sucre ne sont pas uniformes, ils peuvent prendre plusieurs formes cristallines, et également se comporter comme un verre, c'est-à-dire une substance qui n’a pas de structure cristalline.

Le sucre n’a pas non plus de point de fusion précis, car les différentes formes cristallines fondent à des températures différentes, et le sucre commence à se décomposer vers son point de fusion, vers les 186°, en formant entre autres divers caramels. En comparaison le fructose fond vers les 103°c.

Finalement, le sucre fondu ayant une faible proportion d’eau a des propriétés intéressantes du point de vue culinaire.

La plus importante est probablement le but ultime de la technologie culinaire  de nos aieux : la préservation des aliments.

Le salage et l’utililsation de sirops sont deux manières ancestrales de conservation des aliments, gosso modo, les deux approches ont pour but de rendre les aliments impropres à la colonisation par des microbes. Au-delà d’une certaine concentration en sel ou en sucre vont pourrir la vie des microbes, par exemple le sucre est fortement hygroscopique (il attire l’eau) et un sirop suffisamment concentré pourra déshydrater quasi instantanément une bactérie. L’exemple le plus courant de cette technique est la préservation des fruits dans du sirop, voire la préparation de confitures.

Dans le temps, la technologie culinaire n’était pas aussi précise qu’aujourd’hui, et les cuisiniers ont utilisé plusieurs méthodes empiriques pour doser le sucre dans les sirops et autres préparations.

La mesure la plus utilisée pour la préparation  des sirops fut le degré Baumé, qui représente approximativement le nombre d’unités de 25g de sucre par litre d’eau. Cependant, dans tous les livres de recettes que j’ai pu lire, il ne semble pas y avoir de constance dans les proportions sucre/eau et le degré voulu. Ce qui expliquerait qu’en France l’utilisation officielle du degré Baumé a été abolie en 1961.

Les deux recettes de sirop les plus fréquemment utilisées sont :
·        Sirop léger 16° :  500g sucre pour 1L d’eau
·        Sirop de base 32° : 1kg sucre pour 1L d’eau

Au delà de 32°, le sirop est susceptible de recristalliser (les chefs appellent cela ‘masser’ ou ‘tourner’), il est possible d’éviter cela en ajoutant maximum 10% de fructose à la quantité de sucre (si vous n’avez pas de fructose sous la main, vous pouvez utiliser du miel, ou alors lors de la cuisson du sucre un peu de jus de citron, qui va décomposer une partie du saccharose en glucose et fructose)

Mais nous savons tous que le monde culiniare est très conservateur… De nos jours on fait référence à la densité spécifique d’un liquide, mesurée avec un densimètre, mais la notion de 'Baumé' semble incrustée dans la philosophie culinaire.

Divers densimètres


Au-delà d’un certain point, il devient impossible d’utiliser un densimètre car la matière est trop visqueuse. Nos chefs de naguère n’ayant pas à leur disposition des instruments très précis se sont basés sur les propriétés physiques du sucre en cuisson pour estimer son point de cuisson, ces points de cuisson ayant des utilisations différentes en cuisine.

En cuisine on définit la concentration d'un sucre cuit par des termes imagés (filet, lissé, perlé, boulé, etc.), selon l'aspect et la consistance.

Plutôt que de manipuler du sucre pouvant provoquer de sérieuses brulures, l’utilisation d’ un thermomètre digital nous permet d’obtenir les mêmes résultats plus facilement.

L’eau bout à 100° (a une pression atmosphérique de 100 Hectopascal, ou 1 atmosphère), et cela reste constant quelque soit la quantité de chaleur fournie. Par contre, si l’on dissout une autre substance dans l’eau, la température d’ébullition du mélange va changer, en règle générale, plus il y a de matière dissoute, plus le point d’ébullition va augmenter.

Donc, lors de la cuisson d’un sirop, au plus la proportion de sucre dans l’eau augmente, au plus la température du mélange augmentera. En dessous d’une certaine concentration, la température avoisinera les 100°c.  Dès que la température dépasse 100° la cuisson du sucre (ou plutôt son changement d’état physique) va commencer

Voici une table reprenant la température de cuisson du sucre et son équivalent en méthodes empiriques. 

Nappe 105°c Une pellicule s’étale sur l’écumoire
Petit filet 107°c Une goutte entre le pouce et l’index se transforme en fil lorsqu’on écarte les doigts
Grand filet 110°c Les fils s’allongent sans se rompre, plus visqueux
Petit boulé 115/117°c Plonger les doigts dans l’eau, egoutter, prélever un peu de sucre et replonger dans l’eau, rouler entre les doigts, une petite boule molle se forme
Boulé 120°c La boule est plus consistante
Gros boulé 125/130°c La boule est plus ferme et reste ronde
Petit cassé 135/140°c Lorsqu’on remet les doigts dans l’eau le sucre durcit en émettant des craquements. Colle sous la dent
Grand cassé 145/150°c Le sucre durcit immédiatement, ne colle plus sous la dent
Sucre d’orge 155-160°c Le sucre forme un verre malléable lorsqu’il est réchauffé. A ce point le mélange ne contient quasi plus d’eau
Caramels

  Petit jaune 155°c
  Jaune 160°c
  Grand jaune 165°c
  Caramel 170-180°c

Rien ne vous empêche d’utiliser les deux méthodes. En effet, la gravité terrestre,  l’altitude et la pression atmosphérique auront un effet sur la température de cuisson et les propriétés physiques de la masse de sucre cuit. Au fait, vous saviez que les horloges internes des satellites GPS sont régulièrement mises à jour, car selon une des lois d’Einstein la gravité Newtonienne influence le temps ?

Ceci dit je ne suis pas sur que beaucoup de cosmonautes cuisent du sucre sur la station spatiale… Quoique….. Il y a eu beacoup d'expériences faites sur la structure de différentes matières en apesanteur.


Pourquoi cuire du sucre avec de l'eau ?

Tout d’abord, pour travailler le sucre il est nécessaire d’avoir une certaine quantité d’eau présente dans la masse pour obtenir les caractéristiques physiques recherchées.
Si l’on place du sucre directement dans un poêlon et qu’on le chauffe, le sucre va directement bruler. Comme indiqué plus haut, le sucre n’a pas vraiment de point de fusion.
En chauffant le sucre avec une quantité minime d’eau, nous allons pouvoir contrôler la proportion sucre/eau en évaporant progressivement l’eau et en mesurant la température du mélange.

Lorsque le mélange atteint la température désirée, il faut alors plonger le poêlon dans une bassine d’eau afin d’arrêter la cuisson.

L’ennemi principal de la cuisson du sucre est la ‘masse’, une recristallisation du mélange. La cristallisation est un phénomène physique qui se manifeste dans quasi tous les solides (sauf les verres), et se déclenche suite à un ou plusieurs des facteurs ci-desous :
  • Baisse de la température du mélange
  • Présence de ‘semences’ sous forme de cristaux existants ou impuretés
  • Choc physique (cogner, gratter,…)

Les mêmes principes sont d’application dans la cuisson du sucre. Dès lors les techniques suivantes sont utilisées lors de la cuisson du sucre  :
  • Température différente à divers endroits du poelon. Les artisans du sucre ne jurent que par l’utilisation d’un poelon en cuivre non étamé, qui distribue la chaleur uniformément lors de la cuisson.
  • Présence de cristaux  de sucre, qui vont avoir l’effet d’une semence sur laquelle un plus gros cristal va se former. Ces cristaux peuvent se former sur les bords intérieurs du poelon, en ‘lavant’ régulièrement les bords intérieurs avec un pinceau mouillé on peut éviter la formation de cristaux parasites.
  • Présence d’impuretés dans le sucre, qui auront le même effet. Lors de la cuisson il est important d’enlever toute écume éventuelle qui se formerait. Il est également conseillé de travailler avec du sucre en morceaux, qui a le plus grand taux de pureté
  • Ne pas remuer brutalement le mélange… 
  • L'incorporation de maximum 10% de glucose ou fructose peut également empècher la recristallisation

 
Comment procéder :


  • Débarasser votre cuisine de tous éléments perturbateurs tels que chiens, enfants, chats affamés. La cuisine du sucre est DANGEREUSE et peut provoquer de sérieuses brûlures.
  • Préparez une bassine avec de l’eau froide, un pinceau propre et votre thermometre
  • Pesez la quantité de sucre dont vous avez besoin, choisissez de préférence du sucre en morceaux car plus purs
  • Ajouter de l’eau pour 1/3 du poids du sucre. Par exemple si vous cuisez 500g de sucre, ajoutez 165 ml d’eau. Ajoutez éventuellement un peu de glucose ou de fructose (ou de miel) pour diminuer le risque de cristallisation.
  • Mettre le poelon à chauffer, lorsque le sucre est entièrement dissout, placez votre thermomètre dans le mélange
  • Dès que le mélange dépasse 101°, la cuisson va commencer. Baissez votre flamme et ne remuez plus le poelon
  • Trempez votre pinceau dans l’eau, et lavez les bords du poelon pour éviter la formation de cristaux. Cette opération devra être répetée si le mélange fait des projections sur le bord
  • Dès que la température désirée est atteinte, retirer le poelon du feu et plonger le fond du poelon dans la bassine d'eau afin de stopper la cuisson
Attention que ce mélange est très chaud et très collant !
 
Dans cet état, la structure physique du sucre est en fait un 'verre', n'ayant quasi pas de structure cristalline (et dans l'industrie cinématographique, on utilise un faux verre fait de sucre pour les cascades.

Comment bruler un morceau de sucre avec flamme

Pour conclure, une petite expérience amusante.

Si vous placez un morceau de sucre sur une flamme, il va fondre et caraméliser et ne 'flambera' pas comme d'autres matériaux. 

Mais avec un petit coup de pouce, il est capable de bruler avec une flamme. Il suffit tout simplement de lui ajouter un peu de cendre. Je ne sais pas si c'est la propriété physique de la cendre qui permet une circulation d'air ou un effet de mêche, ou ses composant chimiques (alkalins) qui favoriseront la combustion, toujours est il que cela fonctionne:
  • Bruler un coin du morceau de sucre sur une flamme jusqu'a fusion
  • Tremper ce coin (toujours fondu) dans de la cendre (la cendre de cigarette fonctionne très bien)
  • Remettre  ce coin cendré dans la flamme
Le sucre va continuer à bruler avec une flamme. Attention au sucre en fusion qui va couler!!! 

3 commentaires:

  1. Comment éviter que le sucre cuit ( exemple sucette ) ne blanchisse après un certain temps ? Merci de votre réponse

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour, dans le cas de bonbons au miel, dans les proportions 250g de sucre, 50g de miel et 100g d'eau. Comment empêcher les bonbons de fondre à température ambiante. Merci d'avance

    RépondreSupprimer