mardi 14 juin 2011

Calories, énergie et régimes

Dès que l'on parle d'alimentation, quasi tout le monde va à un moment utiliser le terme 'calorie'. Il faut 2700 calories par jour pour un régime équilibré, si on mange plus de 3000 calories par jour, on prendra 5 kg en 2 ans, faire 10 min de jogging brule  200 calories, blah blah blah...

Mais qu'est-ce qu'une calorie, et comment la mesure-t-on??

La calorie est une unité de mesure d'énergie thermique, conceptualisée au 19e siecle, et maintenant obsolète dans le monde scientifiique, car elle a été remplacée par l'unité SI Joule.  Ensuite il y a deux types de calories, la petite et la grande calorie…. La petite calorie – ou calorie gramme- est définie comme la quantité de chaleur à produire pour élever de 1°c un gramme d’eau à 14,5°. La 'grande' calorie exprime la quantité de chaleur requise pour élever la température d'I Kg d'eau.

La valeur énergétique des aliments s’exprime (ou plutôt s’estime) en Kilocalories, bien qu’aux USA ils utilisent le terme Calorie pour représenter la kilocalorie,

Comment cette valeur est-elle estimée? En brûlant la substance étudiée dans un calorimètre, et en mesurant la quantité de chaleur libérée par la combustion. 

Je n’ai a ce jour jamais vu de calorimètre dans les laboratoires de l’industrie alimentaire effectuer une mesure calorimétrique, qui est une procédure minutieuse et délicate. Ce qui m’a interpellé en faisant quelques recherches c’est de découvrir qu’aux USA les fabricants sont obligés d’afficher sur l’emballage des aliments la valeur calorique du contenu, mais par contre il n’y a pas d’obligation d’afficher comment cette valeur a été mesurée – pardon estimée.

Oui, estimée, car en général il suffit de consulter les tables de références du FDA pour avoir la composition nutritionelle et la valeur calorique standard de la plupart des aliments. Vous pouvez consulter ces tables sur http://www.nal.usda.gov/fnic/foodcomp/search/

Que représente une calorie dans l'alimentation?

La calorie représente une quantité d'énérgie nutritive permettant à l'organisme de faire une certaine quantié de travail, je reviendrais sur ce point plus tard.


  • La logique de la calorie alimentaire est biaisée par l’assomption que notre organisme – dont le système digestif est bien peu efficient – va brûler ces calories de la même manière que dans un calorimetre. Si tel était le cas, nous brillerions tous dans l’obscurité.


  • L’assomption suivante est que les calories consommées sont intégralement absorbées par l’organisme. Assomption car au cas ou vous ne l’auriez pas remarqué, le processus digestif a comme conséquence que nous évacuons à intervalles réguliers la partie de notre alimentation qui n’a pas été absorbée.



  • Et finalement, la dernière assomption est que les calories sont équivalentes entre aliments, à savoir que une calorie de sucre équivaut à une calorie de graisse ou de protéines, donc que notre métabolisme consomme de manière identique tous les aliments.


Faux.

Faux car les graisses et les protéines ne sont pas exclusivement utilisées comme source d’énergie, en effet ces aliments sont les ‘briques’ qui serviront à fabriquer de nouvelles cellules,  permettront la croissance chez les enfants.

Faux parce que si je mange un bloc de bois - qui brule très bien dans un calorimètre - mon métabolisme est incapable d’assimiler sa valeur énergétique. (d’ailleurs un proverbe africain dit que l’homme qui avale un noix de coco entière fait grande confiance en son arrière train)

Mais alors pourquoi utilise-t-on toujours ce système archaïque ? Parce qu’il est – faussement- simple à comprendre, et qu’il n’y a pas encore d’alternative. Notre organisme n’est pas le réservoir de carburant d’une automobile.

Thermodynamique

La science de la thermodynamique a progressé en même temps que la révolution industrielle, qui a vu le développement entre autre de la machine à vapeur. Brulez un matériau combustible, servez vous de la chaleur pour faire bouillir de l’eau, et la vapeur produite peut servir à entrainer des pistons et des turbines qui vont pouvoir effectuer une certaine quantité de travail, comme faire avancer une locomotive, ou de re-produire de l’énergie sous une autre forme, comme par exemple de l’électricité.Une centrale nucléaire n'est fondamentalement qu'une grosse machine a vapeur entrainant des turbines qui produiront de l'électricité, la grande différence est la source de chaleur, qui dans ce cas vient d'une réaction nucléaire plutot que de la combustion de charbon. Stricto senso, l'Uranium utilisé dans ces centrales n'a pas de valeur calorique car il ne brule pas dans un calorimètre....

Afin de mieux mesurer et modéliser le fonctionnement et le rendement de ces machines, une nouvelle discipline fut créée durant la révolution industrielle,à savoir la thermodynamique, qui étudie la relation entre la matière, la chaleur et le travail.

Deux lois fondamentales sont au fondement de la thermodynamique:
  •  La première loi , la conservation de l’énergie stipule que l’énergie absolue d’un système reste constante, mais peut être transformée d’une forme d’énergie en une autre.
  • La seconde loi stipule que l’énergie passe de formes concentrées et à haut potentiel à des formes diffuses et irréversibles,
Donc, avec une certaine masse de combustible, il est possible de realiser une certaine quantité de travail, qui au départ a été mesure comme la quantité de travail qu'un cheval pouvait effectuer, l'unité de travail devint donc le cheval-vapeur, toujours utilisé incorrectement à ce jour pour evaluer la puissance d'un moteur.

Vers la fin du 19e siècle, le monde medical  introduisit un concept simple basé sur la première loi de la thermodynamque, comparant le corps à une machine à vapeur, avec un réservoir de carburant. L’assomption est la suivante : d’un coté on verse de l’énergie, sous forme de nourriture, et cette énergie est soit consommée, soit stockée. Si on ajoute plus d’énergie que ce qui est consommé, le corps va stocker cette énergie, avec comme conséquence une surcharge pondérale. 
 
La théorie est facile à comprendre et est logique, semble suivre les lois de la physique, et semble satisfaire tout le monde. On mange de trop, on prend du poids. One ne fait pas assez d'exercice, on prend également du poids.

L’utilisation des ‘calories’ en alimentation est une interprétation erronée des deux premières lois de la thermodynamique car les organismes vivants sont infiniment plus complexes qu’une locomotive à vapeur ou un moteur diesel. Nous ne brulons pas de manière efficiente nos aliments comme dans une chaudière !

Prenons par exemple du sucre de table : la digestion va le décomposer en glucose et en fructose, qui seront assimilés par l’organisme de deux manières totalement différentes. Le glucose est soit métabolisé par les cellules comme carburant, soit converti  en réserve d’énergie par l’insuline sous forme de graisses ou de glycogène, par contre le fructose est métabolisé par le foie directement en graisses.

A partir d'une certaine concentration le glucose devient toxique pour notre organisme, et le taux sanguin de glucose est régulé par la production d'insuline qui aura comme conséquence la transformation et le stockage de l'excès de glucose en... graisse. Ce qui n'est pas le cas avec le fructose et les triglycérides. 

Dans les années 60, quatre faits ont été fermement établis par les endocrinologues de l’Université John Hopkins David Rabinowitz and Kenneth Zierler:
  • Les hydrates de carbones sont les seules substances déclenchant la production d’insuline
  • L’insuline est seule responsable pour l’accumulation de graisse dans l’organisme
  • La consommation d’hydrates de carbone est indispensable pour l’accumulation excessive de graisse dans l’organisme
  • Les diabétiques type 2 et les obèses ont un taux d’insuline dans le sang bien plus élevé que la moyenne et une réaction plus forte à l’insuline

Afin d'utiliser les graisses comme énergie le métabolisme va les transformer en cétones, qui sont utilisables comme "carburant" quasi identique au glucose. Cependant un gramme de graisse "contient" 9 calories, alors qu'un gramme de cétones n'en contient plus que 4 calories. La moitié de la valeur calorique théorique des graisses a disparu...

Pourquoi prenons nous du poids ?

Les "experts" qui stipulent que nous prenons du poids parce que nous mangeons trop ou nous prenons du poids comme conséquence d’avoir mangé trop font une grosse erreur de jugement. La bonne question à poser est ‘pourquoi prenons nous du poids’ ??

  • Quel est le mécanisme sous-jacent de l’obésité ? Qu’est ce qui fait qu’avec une alimentation identique une personne deviendra obèse et une autre pas ?
  • Pourquoi les hommes et les femmes prennent-ils du poids de manière différente ? 
  • Pourquoi le dos de votre main n'a quasi aucune graisse??


J’aborderais le sujet dans un message futur, car il est assez vaste, cependant je vous invite à lire les livres de Gary Taubes qui a fait un fantastique travail de vulgarisation de ce sujet.

Et les régimes dans tout cela ?

Je ne vais pas faire l’inventaire de la pléthore de régimes disponibles, mon opinion est que compter les calories n’a aucun sens, et certains régimes tiennent plus de la conviction religieuse que de la science. Certains régimes sont mêmes carrément dangereux dans certaines circonstances:  boire trop de jus de pamplemousse sature votre foie en broméliane, ce qui bloque l'action de l'enzyme cytochrome P450 2C9, enzyme qui sert entre autre à métaboliser certaines substances tels des médicaments, toxines, etc...


J’ai pu constater personnellement que manger moins d’aliments industrialisés, moins de sucres et d’amidons et plus de protéines et de « bonnes » graisses a eu un effet bénéfique sur ma silhouette et ma santé.

Cela demande un certain effort parce que la consommation d’hydrates de carbones est bien plus facile et moins chère, en effet la farine et le sucre peuvent se conserver pendant de longues périodes, ce qui n’est pas le cas d’un filet de poisson frais….

Mais je ne mesure pas les calories. 

Je fais attention a la quantité de sucres, féculents et autres sources d'hydrates de carbone que je consomme, et privilégie les protéines, les légumes et les bonnes graisses (1).

Mais tout cela ne m'empèche pas de boire une canette de soda de temps en temps.

Plus de lecture:
Le sucre est il toxique, traduction de l'article de Gary Taubes
Et si tout cela n'était qu'un gros gras mensonge, traduction de l'article de Gary Taubes
Graisses et cholestérol

Quelques références pour les sceptiques:
  • Good Calories Bad Calories, Gary Taubes 2007
  • Why we get fat and what to do about it, Gary Taubes, 2010
  • Know your fats, Mary Enig, 2000

Vous trouverez quelques traductions en francais du livre de Gary Taubes à l'adresse suivante:
http://dogmesdelanutrition.blogspot.com/2010_04_01_archive.html

(1) par "bonnes graisses" je veux dire huile d'olive extra vierge, huile de coco, sésame et de palme, beurre. J'évite les graisses industrielles telles que margarines ou huiles de colza, maïs... qui ont été traitées industriellement. 

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