Je me suis lancé dans une nouvelle aventure, partager ce que je connais en gastronomie et en science en donnant quelques cours de cuisine orientés niveau débutant et intermédiaire, et non pas basés sur le concept classique de « recettes » mais plutôt basé sur la technique, le pourquoi et le comment.
Une partie de mon activité professionnelle consiste à donner des formations et du coaching dans d’autres sujets que la cuisine, et je me rends compte que je prends un plaisir monstrueux lorsque je partage mes connaissances. Après tout, apprendre des choses et ne pas en faire profiter les autres , c’est un peu triste, non ?
Alors je vais me lâcher, comme on dit, et partager avec vous mes opinions et ce que j’ai appris. Ceci dit, je ne prétends pas avoir la connaissance absolue,
Mes opinions sont basées ma formation scientifique et mon expérience, qui en bref est une approche logique, et j’adore occasionellement jeter de l’huile sur le feu afin d'alimenter le débat et la controverse, car il en ressort toujours quelque chose d’intéressant.
Il y a un bon nombre d’années, lorsque je vivais en Angleterre, la personne qui m’a appris à enseigner était ce que l’on pourrait appeler un ‘prof de profs’, il apprenait aux mathématiciens à donner cours à des adolescents. La chose qui m’a marqué de ce qu’il m’a enseigné est qu’il n’y a pas de mauvais élèves, mais uniquement de mauvais enseignants…. Je dois admettre qu’il avait raison, l’approche que je prends lorsque je donne cours, que ce soit de cuisine comme de finances reste la même.
Un des modèles du processus d’apprentissage reprend quatre phases distinctes.
• L’incompétence inconsciente, en d’autres termes, vous ne savez pas que vous ne savez pas. Le Papou au fond de la jungle de nouvelle guinée n’a probablement pas conscience de l’existence d’internet (quoique avec les smartphones modernes….)
• Puis vient l’incompétence consciente. Vous voyez un grand chef faire un chef d’œuvre culinaire, et vous êtes conscient que vous ne savez pas comment il fait. Mais le désir d’apprendre prend sa source à ce moment.
• Vient ensuite la compétence consciente. Vous savez le faire, mais en réflichissant « consciemment » à chaque étape. (Vous souvenez vous lorsque vous avez appris à conduire ? Débrayer, première, un peu de gaz, embrayer, caler, survivre la honte…)
• Finalement, après suffisamment de répétition et de pratique, nous devenons compétent inconscient. On fait les choses sans réfléchir, tout vient naturellement.
Et que fait un bon formateur ? Il sait décomposer sa compétence inconsciente en un processus qu’il peut transmettre pas à pas à ses disciples, via la compétence consciente.
Question de goût
Passons aux choses sérieuses. J’ai adoré le film ‘Ratatouille’, et surtout le principe du Chef Gusteau ‘tout le monde peut cuisiner’. Je partage ce point de vue.
Le Larousse définit ‘cuisiner’ comme ‘préparer et accommoder les aliments de telle sorte qu’ils soient propres à la consommation et agréables au goût.’ et Gastronomie comme ‘Connaissance de tout ce qui se rapporte à la cuisine, à l’ordonnancement des repas, a l’art de déguster et d’apprécier les mets’.
A la base je suis chimiste, tout d’abord comme technicien chimiste /industrie alimentaire, et ensuite l’Université de Manchester, dans le nord de l’Angleterre. Mon approche intellectuelle est d'avoir une vue analytique et détaillée des choses. J’adore couper les cheveux en sept, surtout dans le sens de la longueur. La chimie (dont l’origine est arabe, sous le nom d’Al Kimia, devenu ensuite alchimie, puis chimie) est avant tout de la cuisine. Dans son concept le plus simple, la cuisine consiste a appliquer des processus a des aliments pour nourrir l’humanité.
Dans sa plus simple expression la cuisine se réduit a ‘donner un bon goût à de l’eau tout en ayant la décence de ne pas empoisonner ses convives.’
Comment cela??
Comme la plupart des animaux dont nous mangeons la chair, nous sommes constitués d’approximativement 60% d’eau. Les fruits et légumes peuvent contenir jusque 95% d’eau (96% dans le cas du concombre). D’autre part, Il nous est quasi impossible de goûter une substance 100% sèche, car le seul fait de mettre un aliment sec en bouche le réhydrate via la salive. Donc les repas que nous consommons sont en majeure partie faits d’eau, avec diverses substances gustatives dissoutes dedans.
Prenons de l’eau, jetons y quelques légumes et un peu de viande, chauffons à ébullition une trentaine de minutes, et voila… Vous avez des aliments prêts a la consommation, stérilisés par la chaleur, plus faciles a digérer que crus, et ayant un certain goût.
Donc mission accomplie selon les termes de Mr Gusteau et du Larousse ! Tout le monde sait cuisiner.
En fait, je crois que cette préparation doit être une des plus anciennes recettes la plus utilisés de par le monde. De la poule au pot moyenâgeuse, en diverses bouillies, soupes, potages, ragoûts, etc etc… le même principe revient. On prend de l’eau, de sources alimentaires diverses, et via différents processus on lui donne du goût en faisant un ‘ragout’ !
Mais alors qu’est-ce que le goût ? Voire le ‘ bon goût ‘ ?
Les goûts et les couleurs ne se discutent pas, selon le dicton. Cependant, malgré les préférences individuelles, certains principes restent d’application générale.
Tout d’abord, pour avoir du goût, l’eau devra contenir une certaine quantité de substances dissoutes, qui seront détectées par les papilles de la langue et donneront une sensation gustative, appelons donc ces substances ‘sapides’ .
Notre langue est capable de détecter et d’évaluer ces substances sapides, et une théorie (réfutée) stipule que nous avons quatre goûts de base : sucré, salé, amer, acide. Cette approche date de plus d'un siècle et d’autres gouts ont été rajoutés par après tels que la notion de piquant venant des piments, et les mono glutamates (umami).
Le goût a beaucoup plus de variables que cette vision réductrice.Par exemple, le tannin, qui se trouve dans le vin a un goût qui n’appartient à aucune des catégories ci-dessus, et est essentiel au "bouquet" du vin. Certaines substances ont un goût que je pourrais appeler ‘métallique’ (certains types d’ail espagnols ??)…. Et que dire de la sensation de chaleur qu’un verre d’alcool nous apporte ? Quid du frais de la menthe ? Et la crème glacée qui a un goût tout a fait différent lorsqu’elle est fondue ?? Un de mes maîtres à penser, Hervé This, a effectué de nombreuses recherches dans ce domaine, et je vous invite à lire ses articles.
Faisons une expérience intéressante. Bouchez vous le nez et fermez les yeux, et mangez quelque chose. La perception du goût de votre repas en sera dramatiquement altérée. Mieux encore, demandez à quelqu’un de vous faire gouter quelque chose les yeux bandés, sans savoir à l’avance ce que c’est. (superbe jeu à faire entre amis autour d’une bouteille de vin….)
Plus radical encore, passez des scampis (cuits au beurre avec une pointe d’ail et de piment) au mixeur pour en faire une bouillie et ajoutez une goutte de colorant alimentaire vert et ensuite demandez à vos convives d’identifier les ingrédients de cette préparation…. Vous allez être surpris !!!
Pourquoi ????
Je n’aime pas la définition du dictionnaire « agréables au gout » car elle est trop floue (la définition Larousse de ‘saveur’ est ‘propriété qu’ont certains corps de produire une sensation sur l’organe du gout’…. Sans commentaires).
Je préfère la notion de ‘saveur’, voire le terme anglais ‘flavor’, qui représente une combinaison de goûts et de parfums. Et ce qui est « agréable » reprend même la texture et les couleurs !! Une bouillie de scampis verts n’est pas à priori très appétissante ! (car notre cerveau de lezard associe le vert dans certaines circonstances avec la moisissure)
Le sens de l’odorat est beaucoup plus développé que celui du goût. En effet, notre odorat nous permet de ‘sentir’ certaines odeurs dont les substances sont bien plus diluées que pour le goût. Par exemple le mercaptam, une substance proche du ‘parfum de putois’ est injectée depuis 1937 dans le gaz de ville car le gaz naturel (du methane) n’a naturellement aucune odeur perceptible par l’homme, par contre le mercaptam a une odeur détectable de l’ordre de 10 parts par milliard, ce qui correspond à peu près à 1 mg par mètre cube d’air…
Dans la parfumerie la plupart des substances utilisées qui ‘sentent bon’ sont des huiles essentielles de fleurs ou de plantes, et il est bien connu que les huiles ne se mélangent spontanément avec l’eau (mais bien avec l’alcool, qui est le constituant principal des parfums et eaux de toilettes).
Notre nez n'est pas concu pour aspirer des liquides, donc pour être détectables ces substances odorantes doivent pouvoir se transformer en gaz (ou vapeur) à la température de dégustation, et rester captive de notre repas le temps de la dégustation. Par exemple un café vieux et froid ne donnera pas la même satisfaction qu’un café chaud et fraichement préparé. Pire encore, un café bouilli 5 minutes et servi froid est atroce !
Donc, on peut généraliser que pour avoir un met qui -selon les termes du Larousse- nous est agréable devra être constitué non seulement d’eau qui a du goût, de substances odorantes solubles dans de la matière grasse, et d’une petite partie de matière grasse pour retenir ces parfums volatils, et finalement combler les autres sens par la température, la texture et la couleur de la présentation. Je pense avoir couvert tous les quatre sens ???
Prenons une viande de dinde. Simplement cuite à sec, elle n’a quasi pas de goût, et il faut lui adjoindre de la matière grasse afin que ce gout se développe. Savez-vous pourquoi la saveur du bœuf Charolais, Ecossais, Irlandais et Argentin est plus prononcée ? En grande partie parce que cette viande contient plus de graisse.
Certaines plantes ont des propriétés surprenantes. Par exemple, l’héléchryse italienne, qui ressemble au romarin, dégage un parfum de curry étonnant (d’ailleurs c’est une des deux herbes appelées herbe à curry). Mais par contre, en bouche elle n’a quasi aucun goût ! (et cette plante n’est absolument pas utilisée dans la préparation du mélange d’épices appelé ‘curry’)
L’homo sapiens, c'est-à-dire « nous les humains», est un animal qui possède des facultés impressionnantes de survie et d’adaptation. Un de ces critères de survie est de pouvoir se constituer une alimentation subvenant aux besoins de l’organisme sans lui causer du tort en l’intoxicant…
La plupart des plantes ou fruits qui ne nous sont pas comestibles –voire toxiques – ont pour nous un gout amer. Les viandes et poissons avariés ont une odeur qui nous révulse, (due au butanediamine, ou putrescince, et au pentanediamine connue sous le nom poetique de cadaverine, deux substances qui sont toxiques). Certains animaux utilisent le gout et l'odeur comme moyen de défense, tels que certains crapauds qui peuvent produire des substances amères et toxiques, voire hallucinogèes
Nous pouvons donc en déduire que le but initial du goût et de l’odorat de l’animal humain lors de ses repas est une question de survie, permettant de faire le tri entre le comestible et le dangereux . Avez-vous remarqué que les enfants n’aiment généralement pas l’amertume ou le piquant , mais préfèrent les aliments de faible gout et le sucré ? L’appréciation de ces goûts est acquise au fil des ans, à travers l’éducation et l’expérience.
Revenons-en au bon goût et à la cuisine. Ce qui est bon pour une personne ne l’est pas nécessairement pour une autre, en effet j’aime bien certains plats et pas d’autres. J’adore les piments mais pas le yaourt et j’ai une sainte horreur du fromage de chèvre chaud (et froid aussi). Ma mère n’aime pas l’ail (bien qu’elle en mange à son restaurant italien favori sans s’en rende compte) et mon père n’aime pas le poisson.
Le gout est finalement une question personnelle, et il existe une infinité de techniques permettant au cuisiner de donner du bon gout à l’eau. Prochainement je vous parlerais de Monsieur Maillard, qui a été un des pionniers dans la compréhension des phénomènes de création de nouveaux gouts lors de la cuisson.
Comme dit le proverbe, c’est en limant que l’on devient limaçon. Alors cuisinez, et expérimentez !!!
Une partie de mon activité professionnelle consiste à donner des formations et du coaching dans d’autres sujets que la cuisine, et je me rends compte que je prends un plaisir monstrueux lorsque je partage mes connaissances. Après tout, apprendre des choses et ne pas en faire profiter les autres , c’est un peu triste, non ?
Alors je vais me lâcher, comme on dit, et partager avec vous mes opinions et ce que j’ai appris. Ceci dit, je ne prétends pas avoir la connaissance absolue,
Mes opinions sont basées ma formation scientifique et mon expérience, qui en bref est une approche logique, et j’adore occasionellement jeter de l’huile sur le feu afin d'alimenter le débat et la controverse, car il en ressort toujours quelque chose d’intéressant.
Il y a un bon nombre d’années, lorsque je vivais en Angleterre, la personne qui m’a appris à enseigner était ce que l’on pourrait appeler un ‘prof de profs’, il apprenait aux mathématiciens à donner cours à des adolescents. La chose qui m’a marqué de ce qu’il m’a enseigné est qu’il n’y a pas de mauvais élèves, mais uniquement de mauvais enseignants…. Je dois admettre qu’il avait raison, l’approche que je prends lorsque je donne cours, que ce soit de cuisine comme de finances reste la même.
Un des modèles du processus d’apprentissage reprend quatre phases distinctes.
• L’incompétence inconsciente, en d’autres termes, vous ne savez pas que vous ne savez pas. Le Papou au fond de la jungle de nouvelle guinée n’a probablement pas conscience de l’existence d’internet (quoique avec les smartphones modernes….)
• Puis vient l’incompétence consciente. Vous voyez un grand chef faire un chef d’œuvre culinaire, et vous êtes conscient que vous ne savez pas comment il fait. Mais le désir d’apprendre prend sa source à ce moment.
• Vient ensuite la compétence consciente. Vous savez le faire, mais en réflichissant « consciemment » à chaque étape. (Vous souvenez vous lorsque vous avez appris à conduire ? Débrayer, première, un peu de gaz, embrayer, caler, survivre la honte…)
• Finalement, après suffisamment de répétition et de pratique, nous devenons compétent inconscient. On fait les choses sans réfléchir, tout vient naturellement.
Et que fait un bon formateur ? Il sait décomposer sa compétence inconsciente en un processus qu’il peut transmettre pas à pas à ses disciples, via la compétence consciente.
Question de goût
Passons aux choses sérieuses. J’ai adoré le film ‘Ratatouille’, et surtout le principe du Chef Gusteau ‘tout le monde peut cuisiner’. Je partage ce point de vue.
Le Larousse définit ‘cuisiner’ comme ‘préparer et accommoder les aliments de telle sorte qu’ils soient propres à la consommation et agréables au goût.’ et Gastronomie comme ‘Connaissance de tout ce qui se rapporte à la cuisine, à l’ordonnancement des repas, a l’art de déguster et d’apprécier les mets’.
A la base je suis chimiste, tout d’abord comme technicien chimiste /industrie alimentaire, et ensuite l’Université de Manchester, dans le nord de l’Angleterre. Mon approche intellectuelle est d'avoir une vue analytique et détaillée des choses. J’adore couper les cheveux en sept, surtout dans le sens de la longueur. La chimie (dont l’origine est arabe, sous le nom d’Al Kimia, devenu ensuite alchimie, puis chimie) est avant tout de la cuisine. Dans son concept le plus simple, la cuisine consiste a appliquer des processus a des aliments pour nourrir l’humanité.
Dans sa plus simple expression la cuisine se réduit a ‘donner un bon goût à de l’eau tout en ayant la décence de ne pas empoisonner ses convives.’
Comment cela??
Comme la plupart des animaux dont nous mangeons la chair, nous sommes constitués d’approximativement 60% d’eau. Les fruits et légumes peuvent contenir jusque 95% d’eau (96% dans le cas du concombre). D’autre part, Il nous est quasi impossible de goûter une substance 100% sèche, car le seul fait de mettre un aliment sec en bouche le réhydrate via la salive. Donc les repas que nous consommons sont en majeure partie faits d’eau, avec diverses substances gustatives dissoutes dedans.
Prenons de l’eau, jetons y quelques légumes et un peu de viande, chauffons à ébullition une trentaine de minutes, et voila… Vous avez des aliments prêts a la consommation, stérilisés par la chaleur, plus faciles a digérer que crus, et ayant un certain goût.
Donc mission accomplie selon les termes de Mr Gusteau et du Larousse ! Tout le monde sait cuisiner.
En fait, je crois que cette préparation doit être une des plus anciennes recettes la plus utilisés de par le monde. De la poule au pot moyenâgeuse, en diverses bouillies, soupes, potages, ragoûts, etc etc… le même principe revient. On prend de l’eau, de sources alimentaires diverses, et via différents processus on lui donne du goût en faisant un ‘ragout’ !
Mais alors qu’est-ce que le goût ? Voire le ‘ bon goût ‘ ?
Les goûts et les couleurs ne se discutent pas, selon le dicton. Cependant, malgré les préférences individuelles, certains principes restent d’application générale.
Tout d’abord, pour avoir du goût, l’eau devra contenir une certaine quantité de substances dissoutes, qui seront détectées par les papilles de la langue et donneront une sensation gustative, appelons donc ces substances ‘sapides’ .
Notre langue est capable de détecter et d’évaluer ces substances sapides, et une théorie (réfutée) stipule que nous avons quatre goûts de base : sucré, salé, amer, acide. Cette approche date de plus d'un siècle et d’autres gouts ont été rajoutés par après tels que la notion de piquant venant des piments, et les mono glutamates (umami).
Le goût a beaucoup plus de variables que cette vision réductrice.Par exemple, le tannin, qui se trouve dans le vin a un goût qui n’appartient à aucune des catégories ci-dessus, et est essentiel au "bouquet" du vin. Certaines substances ont un goût que je pourrais appeler ‘métallique’ (certains types d’ail espagnols ??)…. Et que dire de la sensation de chaleur qu’un verre d’alcool nous apporte ? Quid du frais de la menthe ? Et la crème glacée qui a un goût tout a fait différent lorsqu’elle est fondue ?? Un de mes maîtres à penser, Hervé This, a effectué de nombreuses recherches dans ce domaine, et je vous invite à lire ses articles.
Faisons une expérience intéressante. Bouchez vous le nez et fermez les yeux, et mangez quelque chose. La perception du goût de votre repas en sera dramatiquement altérée. Mieux encore, demandez à quelqu’un de vous faire gouter quelque chose les yeux bandés, sans savoir à l’avance ce que c’est. (superbe jeu à faire entre amis autour d’une bouteille de vin….)
Plus radical encore, passez des scampis (cuits au beurre avec une pointe d’ail et de piment) au mixeur pour en faire une bouillie et ajoutez une goutte de colorant alimentaire vert et ensuite demandez à vos convives d’identifier les ingrédients de cette préparation…. Vous allez être surpris !!!
Pourquoi ????
Je n’aime pas la définition du dictionnaire « agréables au gout » car elle est trop floue (la définition Larousse de ‘saveur’ est ‘propriété qu’ont certains corps de produire une sensation sur l’organe du gout’…. Sans commentaires).
Je préfère la notion de ‘saveur’, voire le terme anglais ‘flavor’, qui représente une combinaison de goûts et de parfums. Et ce qui est « agréable » reprend même la texture et les couleurs !! Une bouillie de scampis verts n’est pas à priori très appétissante ! (car notre cerveau de lezard associe le vert dans certaines circonstances avec la moisissure)
Le sens de l’odorat est beaucoup plus développé que celui du goût. En effet, notre odorat nous permet de ‘sentir’ certaines odeurs dont les substances sont bien plus diluées que pour le goût. Par exemple le mercaptam, une substance proche du ‘parfum de putois’ est injectée depuis 1937 dans le gaz de ville car le gaz naturel (du methane) n’a naturellement aucune odeur perceptible par l’homme, par contre le mercaptam a une odeur détectable de l’ordre de 10 parts par milliard, ce qui correspond à peu près à 1 mg par mètre cube d’air…
Dans la parfumerie la plupart des substances utilisées qui ‘sentent bon’ sont des huiles essentielles de fleurs ou de plantes, et il est bien connu que les huiles ne se mélangent spontanément avec l’eau (mais bien avec l’alcool, qui est le constituant principal des parfums et eaux de toilettes).
Notre nez n'est pas concu pour aspirer des liquides, donc pour être détectables ces substances odorantes doivent pouvoir se transformer en gaz (ou vapeur) à la température de dégustation, et rester captive de notre repas le temps de la dégustation. Par exemple un café vieux et froid ne donnera pas la même satisfaction qu’un café chaud et fraichement préparé. Pire encore, un café bouilli 5 minutes et servi froid est atroce !
Donc, on peut généraliser que pour avoir un met qui -selon les termes du Larousse- nous est agréable devra être constitué non seulement d’eau qui a du goût, de substances odorantes solubles dans de la matière grasse, et d’une petite partie de matière grasse pour retenir ces parfums volatils, et finalement combler les autres sens par la température, la texture et la couleur de la présentation. Je pense avoir couvert tous les quatre sens ???
Prenons une viande de dinde. Simplement cuite à sec, elle n’a quasi pas de goût, et il faut lui adjoindre de la matière grasse afin que ce gout se développe. Savez-vous pourquoi la saveur du bœuf Charolais, Ecossais, Irlandais et Argentin est plus prononcée ? En grande partie parce que cette viande contient plus de graisse.
Certaines plantes ont des propriétés surprenantes. Par exemple, l’héléchryse italienne, qui ressemble au romarin, dégage un parfum de curry étonnant (d’ailleurs c’est une des deux herbes appelées herbe à curry). Mais par contre, en bouche elle n’a quasi aucun goût ! (et cette plante n’est absolument pas utilisée dans la préparation du mélange d’épices appelé ‘curry’)
L’homo sapiens, c'est-à-dire « nous les humains», est un animal qui possède des facultés impressionnantes de survie et d’adaptation. Un de ces critères de survie est de pouvoir se constituer une alimentation subvenant aux besoins de l’organisme sans lui causer du tort en l’intoxicant…
La plupart des plantes ou fruits qui ne nous sont pas comestibles –voire toxiques – ont pour nous un gout amer. Les viandes et poissons avariés ont une odeur qui nous révulse, (due au butanediamine, ou putrescince, et au pentanediamine connue sous le nom poetique de cadaverine, deux substances qui sont toxiques). Certains animaux utilisent le gout et l'odeur comme moyen de défense, tels que certains crapauds qui peuvent produire des substances amères et toxiques, voire hallucinogèes
Nous pouvons donc en déduire que le but initial du goût et de l’odorat de l’animal humain lors de ses repas est une question de survie, permettant de faire le tri entre le comestible et le dangereux . Avez-vous remarqué que les enfants n’aiment généralement pas l’amertume ou le piquant , mais préfèrent les aliments de faible gout et le sucré ? L’appréciation de ces goûts est acquise au fil des ans, à travers l’éducation et l’expérience.
Revenons-en au bon goût et à la cuisine. Ce qui est bon pour une personne ne l’est pas nécessairement pour une autre, en effet j’aime bien certains plats et pas d’autres. J’adore les piments mais pas le yaourt et j’ai une sainte horreur du fromage de chèvre chaud (et froid aussi). Ma mère n’aime pas l’ail (bien qu’elle en mange à son restaurant italien favori sans s’en rende compte) et mon père n’aime pas le poisson.
Le gout est finalement une question personnelle, et il existe une infinité de techniques permettant au cuisiner de donner du bon gout à l’eau. Prochainement je vous parlerais de Monsieur Maillard, qui a été un des pionniers dans la compréhension des phénomènes de création de nouveaux gouts lors de la cuisson.
Comme dit le proverbe, c’est en limant que l’on devient limaçon. Alors cuisinez, et expérimentez !!!